À table avec Élise Tastet, à l’épicerie Pumpui

Une conversation épicée avec la brillante fondatrice de tastet.ca (qui s’est attablée à plus de 3000 restaurants!) dans une de ses adresses coup de cœur. Au menu : currys caliente et ailes de poulet.

 

Photos Marie des neiges Magnan



Pour inaugurer cette nouvelle chronique – où nous rencontrons une personnalité du monde alimentaire dans un restaurant de son choix devant un de ses plats favoris –  le nom d’Élise Tastet s’est tout de suite imposé. Son guide resto numérique, lancé en 2014, est devenu en quelques années une référence incontournable, consultée par plus de 2 millions de visiteurs chaque année. Et ce n’est qu’un début : après avoir lancé les éditions Montréal, Québec-Charlevoix, Laurentides et Ottawa, l’entrepreneure de 29 ans souhaite s’attaquer au marché de Toronto. Tout en zyeutant, on n’en sera pas étonnés, le marché international.

Comment passer de start-up à phénomène web?

J’étais encore étudiante à la maîtrise en commerce électronique au HEC quand j’ai commencé Tastet. Comme j’étais déjà pauvre et que je n’avais ni hypothèque, ni auto ni enfants, je n’ai pas vraiment eu à faire de sacrifices comme tant d’autres. Je faisais tout, toute seule : visites de restaurants, entrevues, rédaction, gestion des réseaux sociaux, mise en ligne. Mes études terminées, j’ai travaillé 100 heures par semaine sur le projet, toute seule à la maison, sans faire un sou. Heureusement, mon chum était là pour m’aider : il m’invitait une fois par semaine au restaurant pour que j’écrive mes chroniques. Parce que je tenais – et je tiens toujours – à ne pas être invitée par les restaurateurs en échange d’un article, c’est lui qui payait et c’était notre date. Comme notre devise est «Si on en parle, c’est parce que c’est bon», on gaspillait argent, soirée et reportage si le restaurant n’était pas à la hauteur.

En septembre 2016, j’ai posé ma candidature pour obtenir la bourse Mtl Inc. Je n’étais pas prête. Mais ils ont aimé ce que je faisais et m’ont donné accès aux services de La Zone, où j’ai reçu des formations en marketing et en ventes qui m’ont donné un gros coup de pouce. J’ai eu ma bourse en 2017. Ensuite, Femmessor m’a donné du financement et m’a présenté un futurpreneur. L’argent, c’est le nerf de la guerre, et comme beaucoup de femmes, j’ai dû apprendre à parler la langue des investisseurs, qui sont encore (malheureusement) majoritairement des hommes.

Avec ces rentrées de fonds, j’ai pu m’installer dans un bureau – c’est fou comme ça donne un caractère légitime à ton entreprise – et j’ai pu embaucher une équipe.

Pourquoi avoir choisi le restaurant Pumpui?

C’est un projet passion, lancé par des gens vraiment nice. Les proprios sont Canadiens, mais ils font de la très bonne cuisine thaïe. Ils ne servent que quatre ou cinq plats, qu’ils réussissent parfaitement parce qu’ils ont appris à les cuisiner en Thaïlande, et c’est une des clés de leur réussite. L’endroit est authentique, et la formule fast-causal est très actuelle. Aujourd’hui, les jeunes veulent manger vite et bien, et ils ne veulent pas attendre l’addition. Ici, on paie à la caisse et ça règle l’éternelle question des pourboires, qui sont partagés avec toute l’équipe.

 

 

Ici, le service se fait style cafétéria, et on peut faire des achats du côté épicerie.

 

Pourquoi ce penchant pour la cuisine simple et sans prétention?

Depuis que j’ai lancé le site, j’ai mangé dans plus de 3000 restaurants. Je suis passée d’un resto par semaine la première année à 17 par jour lorsqu’on a lancé l’édition de la ville de Québec. Mes journées ressemblaient à ça : café, café, café, restaurant, restaurant, restaurant, bar, bar, bar, et ça recommençait, avec une grille d’analyse en plus ! J’étais enthousiaste au début et puis c’est devenu trop… Heureusement, mon équipe a pris le relais. Aujourd’hui je prends nettement plus de plaisir à manger des pâtes toutes simples qu’un repas compliqué dans un restaurant très cher. Mais ça ne m’empêche pas d’apprécier les restaurants plus ambitieux – Joe Beef, Le Filet, Bouillon Bilk ou Montréal Plaza – quand j’ai envie de me gâter.

Qu’est-ce qui fait qu’un restaurant soit recommandé par Tastet?

Notre grille d’analyse tient compte du menu, du service, du décor, de l’ambiance et des prix. Et on vient d’ajouter deux autres critères, qui tiennent compte des propriétaires et du côté unique et authentique des lieux. Personnellement, je choisis toujours de manger chez des restaurateurs que j’aime et qui traitent leurs employés avec amour. Même chose pour le site : on préfère mettre de l’avant le couple sympathique qui s’est lancé dans la restauration pour vivre de sa passion plutôt que le groupe de banquiers qui investit dans un établissement pour faire de l’argent. On prend au sérieux le fait qu’on peut aider les restaurateurs.

Accueil ou menu, qu’est-ce qui compte le plus?

Avant, on sortait pour manger, mais aujourd’hui on sort pour rencontrer du monde. Alors l’accueil est super important. Si ça prend 10 minutes avant qu’on vienne te dire allo, il y a un problème. Mais si tu es reçu avec un Bonjour, je vous ai vus, tu peux attendre. Comme le dit Mélanie Blanchette, du Bouillon Bilk, que j’admire énormément, tu peux rattraper un mauvais plat avec un bon service, mais pas l’inverse. Mais si on fait du kilométrage pour aller manger quelque chose d’exceptionnel, comme au Coq de l’Est, où le poulet rôti tandoori est bon à pleurer, le plat doit être parfait!

Est-ce que tes amis ont peur de t’inviter à souper?

Ils ne m’invitent presque jamais! On a beaucoup d’amis chefs, qui nous reçoivent au resto. Mais j’adore les recevoir, ce qu’on fait chaque semaine. Je fais des pâtes à la sauce tomate et à la burrata, par exemple, et on mange à la bonne franquette parce que les chefs, au fond, aiment aussi les choses très simples. Comme les biscuits President’s Choice, que Marco, du Mon Lapin, adore…

Un vin que tu aimes particulièrement

Tous ceux que mon chum me sert. En fait, je bois tout le temps du bon vin, quelle chance extraordinaire, parce qu’il est propriétaire du bar Henrietta et qu’il importe ses bouteilles (on a un disclaimer pour expliquer que je suis totalement biaisée pour cette adresse). Je n’aimais pas le vin rouge, il m’a convertie aux bons rouges légers.

Une ville où tu aimes manger en voyage

N’importe où en Italie, on trouve des choses simples et bonnes dans les trattorias. Je vais souvent à Milan et j’en profite : j’ai un oncle qui vit là-bas et un client, San Pelligrino, à visiter sur place.

Une tendance alimentaire qui t’interpelle

La traçabilité des produits. Manger local, on en parle depuis longtemps, et c’est plus important que de manger bio ou végane. Les asperges en février, si on y pense, c’est bizarre. Normand Laprise, qu’on appelle Le Parrain dans le milieu même s’il n’aime pas ça, dit que si tout le monde cuisinait local, on pourrait bien faire vivre tous nos agriculteurs. C’est un vrai militant : avec ses restaurants, comme le Beau Mont, les Brasseries T et Toqué!, il est en train d’instaurer un écosystème qui met en valeur les producteurs locaux.

La place des femmes en restauration

Il y a de sérieux problèmes de discrimination dans ce milieu, même au Québec, même aujourd’hui. Comme dans tous les domaines typiquement masculins, les femmes doivent vraiment prendre leur place pour se faire respecter. Il y a des gens condescendants qui me disent C’est cute et sympathique, ton site sur les restos, alors que je suis une entrepreneure qui fait du développement d’affaires. Et je trouve ça extrêmement gossant quand on me décrit comme une «femme entrepreneure». C’est comme parler d’une «femme chef»! Je suis une entrepreneure, et elles sont des chefs. Point.

La prochaine étape pour Tastet

On redéfinit notre mission, qui est de mettre le bon consommateur dans le bon établissement. Toutes les décisions que je prends pour l’entreprise vont dans ce sens. Et nous amorçons un grand virage tech. Parce qu’à la base, je suis une vraie nerd

Merci Élise!

Quelques recos d’Élise Tastet à Montréal

Elle aime vraiment les sandwichs!

Le sandwich déjeuner du Larry’s

Les bucatini du Serpent

Le sandwich poulet-mangue de chez Olive + Gourmando

Le sandwich au poulet de Chez José

Le sabich de chez Falafel Yoni

Le sandwich à l’halloumi grillé du but Pick-up

Le jambon-beurre deLa Bête à pain

Le squid roll du Mile-Ex

Le burger de Chez Tousignant

Les ailes de poulet du Cafeden

Le poulet shawarma du Sumac

Le laksa de Satay Brothers

Le poulet barbecue tandoori de chez Le Coq de l’est

Les falafel de Falafel St. Jacques.

Pumpui, épicerie et comptoir curry

83, rue Saint-Zotique Est

Montréal

[email protected]

 

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