Profession: photographe, avec Marjorie Guindon

Marjorie, c’est la (super) talentueuse photographe de nos chroniques «Style perso» et «Portes ouvertes». On adore ses portraits limpides de femmes inspirantes, l’ambiance joyeuse qu’elle fait régner sur ses shootings, son look unique et sa façon zen d’aborder la conciliation pigiste-famille.
  Photos Marjorie Guindon



Qu’est-ce qui t’a menée à la photographie?
Par moments, je me demande si j’ai vraiment choisi ce métier. C’est plutôt comme si c’était la photo qui m’avait choisie.
 Au secondaire, quand je réfléchissais à mes choix de carrière, c’est la profession qui me venait à l’esprit. Je prenais des tonnes de photos de mes amis. Non-stop. Je ne faisais pas vraiment de photos artistiques, mais ça me fascinait. Puis, à cette même époque, j’ai découvert le théâtre, le jeu d’acteur et la mise en scène. Je tripais vraiment. C’est un monde qui me parlait énormément. J’ai donc quitté l’Abitibi pour étudier l’art dramatique à Montréal. Parallèlement à mes études en jeu, je me suis inscrite au club photo du cégep Lionel-Groulx, j’ai participé à un concours de photo organisé par le club et remporté le premier prix. C’était un signe… J’ai suivi mon intuition, je me suis inscrite au cégep du Vieux Montréal en photo pour l’année suivante et j’ai décidé de revenir plus tard au théâtre.

Comment as-tu débuté?
J’ai travaillé pendant presque dix ans comme retoucheur et assistante numérique. C’était tellement riche en informations, en notions techniques, en rencontres importantes. En fait, c’était vraiment ça, l’école.

Est-ce que quelqu’un t’a aidée à percer?
Luc Robitaille, c’est lui, mon mentor. J’ai retouché avec lui pendant plusieurs années. Il représente pour moi, la rigueur, le souci du travail impeccable, des images techniquement exécutées à la perfection. C’est le geek adorable, le père de famille trop cool. Il sait comment accueillir des clients avec des petites attentions bien pensées et réaliser des projets avec sa touche de magie unique. Il travaille conjointement avec sa femme Linda. Une femme incroyable qui gère la business familiale, leurs quatre enfants et tout ce qui vient avec. Ils m’ont beaucoup appris. Je leur serai toujours reconnaissante.

Un ou une photographe dont tu admires particulièrement le travail…
Je suis fascinée par les images de Tim Walker. Sa poésie, son théâtre, ses mises en scène, ça me ressemble tellement.

 

 

Être photographe, c’est un art ou un métier?
Les deux! La photo, c’est plus que de l’art pour moi, c’est aussi mon métier, celui qui me fait vivre. J’ai vraiment de la chance!

Les médias sont en pleine mutation. Comment est-ce que ça te concerne?
Je suis en compétition avec les photographes du monde entier. De nos jours, pour se démarquer, il faut conquérir les clients avec des images uniques et être résolument présente sur les réseaux sociaux.
Ce n’est pas simple. Il faut avoir des alliés compétents pour bien comprendre et naviguer dans les médias.
La photo de mode a aussi changé. Les magazines imprimés sont de moins en moins nombreux, tout se passe maintenant sur le Web, il faut travailler fort pour se tailler une place. Avec l’arrivée des boutiques en ligne, les clients nous demandent de produire d’énormes quantités d’images, en peu de temps. Ça laisse un peu moins de place à la production d’images riches. La poésie prend souvent le bord.
Mais bon. Il y a toujours des projets spéciaux, gratifiants et magiques. C’est ce qui m’accroche encore à cette branche de la photo.

Le milieu de la mode encense la beauté, souvent à outrance. Comment vis-tu ça face à ton image?
Je suis quelqu’un qui a assez confiance en soi et, en vieillissant, je suis de plus en plus à l’aise avec l’image que je projette. J’ai l’impression qu’avec le temps, je me détache de plus en plus de l’opinion des autres, des standards de beauté du milieu.

Ta définition de la beauté?

Tout ce qu’on ne peut s’empêcher de regarder: le magique, le grandiose, l’insaisissable, le vrai, le touchant.

Une prise de vues dont tu es particulièrement fière?
Je pense à la série Poetic Saffron, créée avec trois mannequins rousses, qui m’a valu un Grand Prix Lux. Ça m’a beaucoup touchée.
 J’ai la chance de travailler avec des collaborateurs passionnés et généreux, ce qui nous permet de réaliser des projets personnels qui nous ressemblent vraiment.

 

 

Tu côtoies les créateurs de mode, les mannequins, les stylistes – est-ce que ça influence ton look?
Je me concentre sur ce qui me fait triper, ce que je trouve beau ou intéressant. J’apprécie les vêtements qui sont ludiques, confortables, bien coupés. J’ai récemment décidé d’encourager les designers d’ici. Je fais des échanges avec eux: je leur fais des photos, ils me fournissent des vêtements. J’aime l’idée d’avoir des vêtements de qualité, durables. Plutôt que d’acheter plusieurs manteaux d’hiver qui vont s’user rapidement, je préfère de loin en avoir un beau, qui va durer dix ans. Perso, je trouve que les vêtements imaginés par les designers locaux traversent les âges et ne se démodent jamais.

Tu portes toujours des lunettes extraordinaires…
J’en ai plusieurs paires. C’est l’accessoire le plus visible parce qu’il est toujours dans le milieu du visage. Quand les lunettes sont bien choisies, elles deviennent ta signature personnelle, un trait presque physique.

À quoi ressemble une journée type de travail pour toi?
Il y a les journées de promotion, de meetings, de courriels, de préparation de shootings. Les journées de facturation. Les journées de shooting. Et les journées où tout ça est mélangé! Je n’ai pas d’horaire fixe, chaque jour est unique. C’est quand même un peu ça, le charme d’être travailleuse autonome. On ne s’ennuie jamais. Bon, on peut parfois prendre un verre de vin en plein après-midi pendant une pause méritée, mais on n’est jamais complètement en vacances.

Tu es à ton compte et tu as une petite fille d’âge préscolaire, tu t’organises comment?
Avant d’avoir un enfant, je travaillais pratiquement tous les soirs – j’avais trop de travail! Quand Lili Rose est arrivée, on a passé une année ensemble à la maison, et je travaillais seulement le soir – c’était le seul moment où j’étais disponible. La deuxième année, ma fille se faisait garder à temps partiel, alors j’organisais mon horaire en conséquence. Aujourd’hui, elle va à la garderie à plein temps, alors j’essaie de réserver mes soirées à la famille et aux amis. Tout va bien, sauf si ma fille tombe malade.

 

 

Les imprévus sont sûrement difficiles à gérer dans ce métier…
Quand tu es photographe et que tu as un contrat, toute une équipe dépend de toi et tu ne peux jamais annuler un shooting, sauf pour des cas extrêmes. Alors je mets quelqu’un en attente, d’avance, au cas où ça arriverait. Et si c’est moi qui suis malade, tant pis, je travaille quand même. Je ne peux pas toujours compter sur mon amoureux pour prendre le relais, car il travaille en cinéma et a les mêmes contraintes que moi. Heureusement, nous avons un très bon cercle d’amis pour nous épauler. Nous pouvons aussi compter sur la famille, qui habite à l’extérieur, mais qui se déplace quand on voit un conflit d’horaire se pointer à l’horizon. Nous formons une équipe solide malgré nos métiers imprévisibles et toutes les surprises que nos passions nous apportent.

Parle-nous de ta fille…
Lili Rose, c’est ma vie. Elle représente l’amour que j’ai pour mon amoureux, la créativité, la spontanéité et l’authenticité. Elle est à la fois le feu, la tempête, le rire, le bonheur pur.
 Elle fait ressortir ma vraie personne; celle que j’aime et celle que je dois apprivoiser.
 Avoir un enfant, c’est une expérience incomparable, un réel défi et une aventure tellement enrichissante.

On veut connaître tes trucs pour réussir des photos d’enfants!
Je ne suis pas une pro pour ce genre de photo! Mais j’avoue que j’ai un faible quand il s’agit d’immortaliser la vie de ma chérie.
 Il faut laisser beaucoup de liberté aux enfants. Les prendre en photo, sur le vif, les laisser courir, rire, faire des niaiseries pour ensuite demander un ou deux regards à l’appareil photo. Si on ne les laisse pas vivre un peu, ils ne voudront pas s’adonner aux jeux avec l’appareil. On connaît tous l’expression: «Regarde! Le petit oiseau va sortir! » Ça marche!

 

 

Et aussi…


Le produit de beauté dont tu ne peux pas te passer
L’eau de rose. Mon côté un peu sorcière me pousse à utiliser beaucoup de produits naturels dans mon quotidien. L’eau de rose est magique. Elle est désinfectante, adoucissante, nettoyante, et son parfum est irrésistible.

Ton livre de chevet
Ça change tous les jours ou presque. En ce moment, un magazine Kinfolk, 1Q84 de Haruki Murakami et The Danish way to Live Well, un livre sur le parenting en Scandinavie.

Un film/une série que tu recommandes
Les films islandais Eldfjall (Volcano) du réalisateur Rúnar Rúnarsson et Hrútar (Rams) de Grímur Hákonarson.

Un compte Instagram à suivre
Mon artiste-photographe préférée, l’Allemande Alma Haser. Elle mélange le portrait traditionnel au pliage de papier. C’est tout simplement magnifique.

Un restaurant
Le Vin Papillon

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Pour suivre Marjorie
marjorieguindon.com
Instagram: marjorieguindon_photographe

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