Ma maladie mentale: l’anxiété, avec un grand A.

La maladie mentale, c’est un sujet dont on parle peu ou pas. Et quand on en parle, c’est presque toujours à mots couverts. Alors on a décidé d’inviter des personnes qui en souffrent à prendre la parole et à nous raconter comment ça se passe, vu de l’intérieur, dans leurs mots.
Ce texte n’est pas signé, l’auteure préférant garder l’anonymat.
Photo Imat bagja gumila



Faire de l’anxiété, c’est avoir peur de tout, tout le temps, et ne pas savoir se raisonner. Faire une crise de panique, c’est comme être toute seule sur un sentier dans le bois et tomber face à face avec un ours ou un loup. Tout ton corps se transforme et active ses mécanismes de défense pour que tu arrives à sauver ta peau. Le problème, c’est quand ton corps fait ça, mais que y’a pas d’ours. Ni de sentier. Ni de bois. Tu es dans un meeting, au resto, chez le dentiste.

C’est ça, une crise de panique. Et c’est extrêmement difficile à vivre. Parce que, chaque fois que ça arrive, tu penses que tu vas mourir. Que cette fois-là va être la bonne. Et ça te fait paniquer encore plus.

Le stress. On n’en parlera jamais assez. Les relations non réglées avec les autres. Les émotions pognées et non libérées. Les situations dont tu ne sais pas comment te sortir. L’hygiène de vie un peu négligée dans un rush de travail. La fatigue accumulée pendant des années passées à faire trop d’heures au bureau, tout le temps. Et toutes les autres choses qui peuvent déclencher un trouble anxieux, appelons ça un «trouble panique». C’est sournois en maudit. Ça s’installe tranquillement… Ça t’inquiète un peu, puis, après un moment, énormément. Tu te ramasses à l’urgence, convaincue que tu fais une crise cardiaque ou un ACV. Tu te fais renvoyer chez toi en te faisant dire que c’était juste une crise de panique. Tu ne comprends pas. Ça recommence, ça revient de plus en plus souvent. Tu n’arrives plus à faire des choses simples, comme prendre le métro ou conduire sur l’autoroute sans t’affoler. Ça y est, tu as un «trouble panique». Et tu ne sais pas à qui en parler. Tu penses que tu es la seule personne à qui ça arrive. Tu te mets à éviter toutes les situations où ça pourrait se produire. C’est le début d’une spirale infernale.

L’anxiété, ça va et ça vient dans ma vie depuis que j’ai 30 ans. Les premières crises se sont manifestées pendant une période de ma vie où j’avais un super bon emploi. Je ne réalisais pas que mon travail ne me rendait pas heureuse, ou disons plutôt qu’il ne me rendait PLUS heureuse. Cet emploi avait eu un sens dans ma vie et m’avait longtemps donné le sentiment que je changeais des choses, que j’aidais des gens, que je faisais avancer la société. Mais les années sont devenues plus difficiles dans mon domaine et tout est devenu plus superficiel. On ne disposait plus des mêmes moyens pour aller en profondeur dans nos démarches. Il y avait perte de sens pour moi, jour après jour. Je me suis mise à faire des crises de panique de plus en plus fréquentes. Je n’en ai parlé à personne, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. J’évitais le métro, je faisais semblant que ça me faisait du bien de marcher pendant une heure le matin pour aller travailler. Je me sentais de plus en plus mal dans les meetings, j’avais chaud, j’hyperventilais, j’avais les mains engourdies, de grosses palpitations, mais je m’arrangeais pour que ça ne paraisse pas. J’avais de plus en plus de mal à être fonctionnelle. Alors je suis partie en voyage pendant trois mois. Ça a complètement cessé. À mon retour, les symptômes ont repris de plus belle, jusqu’à ce que je laisse mon emploi. Mon corps me parlait. Fort.

J’ai recommencé à travailler, mais à la pige. Les crises de panique se sont espacées. Tranquillement. Et je me disais que c’était mon emploi qui avait causé ça. J’ai fait une thérapie et j’ai appris plein de choses sur l’anxiété: comment la désamorcer et, surtout, comment «éviter d’éviter». Parce que c’est la pire chose, en fait, cette fameuse peur d’avoir peur. En évitant une situation particulière de crainte de paniquer – prendre le métro par exemple – on crée un lien de cause à effet qui est faussé. Parce que ce n’est pas le métro le problème, c’est le trouble anxieux! Il faut donc affronter sa peur et apprendre à gérer les crises de panique pour multiplier les expériences positives. C’est difficile. Mais on finit par y arriver et par remonter à la vraie source du problème.

J’ai appris à identifier les crises, à les isoler comme telles, à les comprendre. En me disant que ça ne durerait que 20 minutes, que j’étais passée à travers plein de fois sans mourir, que ça allait s’estomper. J’ai appris à changer le discours mental. Mais ça prend du temps. Et du courage, parce que maudit que c’est difficile à vivre. Et à cacher!

Et puis je me suis séparée. Une séparation vraiment difficile. Rebelote pour les crises de panique. J’ai essayé des médicaments cette fois-là, parce que les symptômes étaient de plus en plus forts. Depuis, ça ne fait qu’augmenter. Même que les manifestations physiques sont différentes, plus souffrantes, plus épeurantes. Depuis deux ans, je passe d’un sevrage de médicaments à un autre pour trouver la bonne molécule, le bon dosage. Je suis une thérapie spécifique à l’anxiété. Aujourd’hui, finalement, je crois être sur le bon chemin. Je fais de la méditation presque religieusement. J’évite le café. Je vais tranquillement me remettre à faire du sport, quand l’énergie reviendra. J’ai toujours été une grande sportive, mais disons que l’anxiété, c’est un sport en soi, ça te demande une énergie extraterrestre. Je fais tout ce que je peux pour aller mieux et être douce avec moi quand les crises se pointent. J’essaie de ne faire aucun évitement, c’est un combat de tous les instants. Mais je vois la lumière au bout du tunnel! Je vais y arriver, je le sais! Avec de l’aide, bien sûr.

Parlant d’aide, le danger avec l’anxiété, c’est vraiment l’isolement. Tu manques d’énergie pour sortir, pour faire face aux autres. Tu as peur de faire des crises, tu as peur de la réaction de ton entourage, du fait que les gens autour de toi ne sauront pas comment réagir si ça se produit. Tu es gênée de ton état. Et pourtant, quand tu t’ouvres juste un tout petit peu, tu te rends compte qu’il y a tellement de gens autour de toi qui ont fait face à l’anxiété à un moment de leur vie ou même qui vivent ça souvent! En avion, dans une salle de conférence, assis dans leur salon… Ça fait du bien de savoir qu’on n’est pas tout seuls. C’est un peu le but de ce texte d’ailleurs.

 

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