La cuvée perso de Martin Juneau

La cuvée «Martin Juneau» du champagne Duval-Leroy arrive en ville. Au total, seulement 3000 bouteilles – attention, ça part vite! – du millésime exceptionnel 2008 ont été spécialement assemblées par le chef en France. Il nous raconte ça.
Propos recueillis par MJ Desmarais



Ce que ça fait, de voir son nom sur une bouteille de champagne
J’ai eu la première bouteille hier, et c’est comme une petite coupe Stanley; c’est… glorieux. Le champagne est toujours associé au plaisir et au luxe. Tu n’ouvres pas une bouteille parce que tu as une peine d’amour, tu l’ouvres pour célébrer! Tu sais, j’en ai fait des affaires, j’ai accompli pas mal de choses en tant qu’entrepreneur, mais, quand j’ai parlé de la cuvée à ma mère, elle a dit: «Oh my God, c’est incroyable!» C’est vrai que ça a quelque chose de spécial, que ça frappe l’imagination.

Comment on fait «son» champagne
C’est mon importateur qui a suggéré à la famille Duval-Leroy de faire une cuvée à mon nom. Dès le départ, on a su que c’était un match possible. La maison Duval-Leroy, qui fait du champagne depuis plus de 150 ans, a l’habitude de travailler avec des chefs, des restaurateurs. Ce n’est pas moi l’agriculteur, ce n’est pas moi le vinificateur, par contre, c’est moi qui ai fait l’assemblage de la cuvée avec Sandrine Logette-Jardin, la chef de cave. On a commencé par travailler avec les trois cépages principaux, chardonnay, pinot noir, pinot meunier, puis je lui ai demandé si on pouvait aller ailleurs, avec du petit meslier, un cépage moins connu, mais qui, pour moi, fait partie de l’ADN du champagne. Elle me l’a fait goûter et là, j’ai compris que c’était plus rustique, moins élégant que les autres cépages; après discussion, on l’a sorti de l’équation. Elle m’a demandé ce que j’appréciais du champagne, et je lui ai dit que j’aime quand ça fait saliver, que j’aime l’acidité, que c’est cette trame narrative que je recherche. C’est la preuve qu’elle m’a bien écouté, parce que tu as envie d’y revenir, à ce champagne! Une gorgée, c’est pas assez, un verre c’est pas assez, tant mieux.

Pourquoi un champagne extra brut?
À la base, je voulais un champagne non dosé, le plus sec possible. Le dosage, c’est la liqueur de champagne qu’on ajoute après avoir dégorgé le vin, et qui détermine s’il sera brut, sec, demi-sec… Dans le cas du non dosé, c’est du champagne qu’on ajoute plutôt que de la liqueur. Mais au fond, après avoir travaillé l’assemblage, je pense que le vrai plaisir ne se situe pas dans l’ultra-sec, alors on a travaillé quelque chose d’un peu dosé.

Le juste prix, le bon coup marketing
C’est difficile d’avoir du champagne à petit prix. Et on veut toujours offrir le plus bas prix au consommateur, mais ce n’est pas facile avec ce vin-là quand on considère le prix des parcelles de vigne! Dans le Languedoc, tu peux avoir quelque chose pour 15000 euros l’hectare. En champagne? C’est 1,8 million d’euros.

Je ne fais pas un sou avec ce projet. Mon salaire, c’est le fait de tenir une bouteille dans mes mains, le fait d’avoir rencontré la famille Duval-Leroy – Carol et ses trois fils, des gens incroyables –, le fait d’avoir été reçu dans leur domaine avec mon amoureuse. Une production de moins de 3000 bouteilles, de toute façon, ce n’est pas un gros move de business, mais c’est un bon coup marketing pour tout le monde!

Il y avait déjà du champagne Duval-Leroy à la SAQ, mais seulement leur rosé. Cette cuvée leur permet d’entrer sur le territoire du Québec avec un autre produit, et, en même temps, de mettre de l’avant un gars d’ici. Le champagne est arrivé à la SAQ en décembre, et il sera servi au verre au restaurant.

 

Champagne Duval-Leroy, cuvée Martin Juneau (69,50$ à la SAQ).

 

 

L’accord parfait
Le côté iodé des huîtres, la salinité du champagne… Je pense que la personne qui a inventé le champagne est la même que celle qui a inventé les huîtres! C’est l’accord que je préfère. Sinon, on sert avec quelque chose de frais. À la limite, on pense à harmoniser la couleur du plat à la couleur du champagne. J’irais par exemple avec un ceviche pas trop acide, du thon blanc par exemple, pour que ça soit bien soyeux et pas trop intense: tu ne veux pas passer par-dessus le champagne. Mais ce champagne peut quand même «prendre» du champignon, comme le clafoutis aux champignons et graines de tournesol qu’on a servi à l’apéro du lancement. Note: ce clafoutis, servi avec une crème fouettée aux cèpes, était MALADE; on va essayer d’avoir la recette!

Le bon verre
Le mieux, c’est le verre régulier à vin blanc, par exemple le Riedel ouverture ou le Spiegelau, que j’aime beaucoup et qui offre une belle amplitude.

Créer l’occasion
J’aime les bulles, j’aime les crémants naturels, mais quand on sert du champagne, c’est synonyme de bonheur. L’idée, c’est d’en boire plus souvent et de ne pas avoir peur d’ouvrir la maudite bouteille: il faut désacraliser le champagne! On en veut juste un verre ce soir? On s’en poppe une, on met un de ces bouchons qui préservent les bulles, on n’a pas besoin de passer à travers, on finit la bouteille demain.

Prochain projet: faire du vin
C’est un rêve que j’ai depuis longtemps. Chaque automne, je vais faire un stage en France pour apprendre à faire du vin. Je ne suis pas un sommelier. Un sommelier, ça vend du vin. Moi, à la base je suis un cuisinier – même si je le suis de moins en moins parce que je suis de plus en plus un restaurateur. J’aime prendre une carotte et faire une purée avec. Je n’aime pas vendre la purée de carotte, j’aime la faire! À ma retraite de la restauration, chose qui risque d’arriver je dirais dans huit, dix ans, et pas quand j’aurai 60 ans, je veux avoir une cuvée à moi, que j’ai faite. C’est là que je veux être. Ça se passera peut-être en France. À cause du climat, plus facile, même si c’est difficile partout!

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Pour suivre Martin Juneau
Instagram:  martin_juneau

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