Dans ses mots: la face cachée du deuil périnatal

Perdre un enfant quand on le porte encore, c’est une épreuve dont personne ne parle. Notre collaboratrice Catherine Perron* a décidé de lever le voile sur le sujet.
Texte Catherine Perron  Photos fournies par la famille



Le deuil périnatal, c’est tabou. La société n’en parle pas. Vaut mieux se boucher les yeux et les oreilles à ce sujet. À l’occasion de la journée nationale du deuil périnatal, mon cœur est rempli d’émotions et de compassion pour toutes les personnes qui en ont vécu un ou qui en vivront un au cours de leur vie.

Quand on porte un enfant et que l’on se fait annoncer l’impossible, on sent que notre vie s’écroule. La douleur que l’on ressent est incommensurable. C’est une souffrance permanente qui nous habite. Quand on s’apprête à accoucher d’un bébé à qui l’on devra dire au revoir aussitôt, on tente de nous préparer avec les meilleurs conseils possible. On nous suggère d’apporter les petits pyjamas, les doudous et les peluches que l’on avait achetés pour lui, de prendre beaucoup de photos, de choisir de la musique à écouter après sa naissance… Et on s’imagine que ce moment sera le pire de notre vie. Mais on a tout faux.

Ce qu’on ne vous dit pas, c’est que la pire étape, ce n’est pas l’accouchement, le pire vient après. Quand j’ai mis ma fille au monde, j’étais bien. J’étais avec elle. On lui a parlé, on l’a serrée dans nos bras, on l’a bercée. Tous les membres de ma famille, même ses grands frères, sont venus la rencontrer. On l’a fait baptiser. On lui a donné des tonnes d’amour. On a pris des centaines de photos et je voulais que les gens sourient et soient heureux d’être avec elle. C’était ma seule demande. Nous avons passé beaucoup de temps avec ma fille. Mais après, vient le moment où l’on doit rentrer à la maison. Comment peut-on partir en laissant notre enfant derrière nous? C’est là que la vraie souffrance commence… et que notre vie bascule.

 

Sydney dans mes bras, à l’hôpital.

Ce qu’on ne vous dit pas, c’est qu’il faut se préparer à vivre de longues journées de grande noirceur. On sent que l’on ne passera jamais à travers. Et les gens de l’entourage sont gentils et attentionnés, mais après quelque temps, ils reprennent le cours de leur vie, pas nous. On continue de souffrir en silence. Et ce sentiment de vide est omniprésent.

Ce qu’on ne vous dit pas, c’est que certains commentaires, même s’ils ne se veulent pas méchants, nous brisent et nous font du mal. C’est une peine étonnamment très incomprise. On le répète souvent, mais notre chagrin ne se mesure pas en nombre de semaines de grossesse, elle se mesure par la grandeur du rêve que l’on avait construit. Et, dans notre cas, c’en était un beau et un grand, et un merveilleux!

Ce qu’on ne vous dit pas, c’est que peu à peu, on recommence à vivre notre quotidien normalement, mais que cette étincelle du bonheur simple et de naïveté pure, eh bien cette petite étincelle a disparu. On vit de beaux moments en famille et avec nos enfants, mais rien n’est plus comme avant.

Et alors que l’on s’imagine être seuls à porter ce chagrin immense et que l’on cherche désespérément des témoignages ou des textes qui vont nous aider (et que l’on ne trouve pratiquement rien sur le sujet, bien évidemment), on prend notre courage à deux mains et on rejoint un groupe de soutien. Et tranquillement, on réapprend à vivre. Mon groupe m’a sauvée. Personne ne peut mieux comprendre la peine, la souffrance terrible et la rage qui nous habitent que des papas et des mamans qui ont vécu des drames semblables au nôtre. J’y ai assisté avec mon amoureux à de nombreuses reprises, pendant plusieurs mois, et je peux vous confirmer que, sans ces mamans courageuses, fortes et extraordinaires que j’ai côtoyées, sans la travailleuse sociale qui m’a suivie (et à qui je parle toujours), je ne serais pas rendue où je suis aujourd’hui dans ma tête et dans mon cœur.

Pourtant, la peine, elle ne disparaîtra jamais. Ma fille, je ne l’oublierai jamais, jamais. Il y a eu la Catherine d’avant et il y a maintenant la Catherine d’après, qui ne sera plus jamais la même.

Mais je tente du mieux que je peux de faire ressortir le beau de son passage dans notre vie. Elle, ma magnifique et merveilleuse fille. Qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à ses frères. On lui parle tous les jours. On lui envoie des bisous lorsque l’on passe à côté de ses photos que l’on a accrochées au mur. Elle nous a prouvé que notre famille est assez unie et assez forte pour passer au travers des pires tempêtes. Parce que cette peine si lourde n’est pas que ressentie par les parents, les frères et les sœurs. Elle affecte aussi les grands-parents, les oncles et les tantes qui souhaitaient ardemment admirer cette petite princesse grandir.

 

Sydney était encore vivante sur cette photo, mais nous savions que nous allions la perdre. Nous avons organisé cette prise de vues en famille pour garder un beau souvenir d’elle.

Vous voulez faire du bien à quelqu’un qui vit un deuil périnatal? N’ignorez jamais son petit ange. Demandez-lui de vous en parler, de le voir en photo… et surtout, surtout, n’oubliez jamais que pour nous, ce bébé fait partie de notre famille. Aujourd’hui, même si nous en avons seulement deux à la maison, nous sommes pourtant pleinement et fièrement parents de trois enfants, trois grands amours que nous aimons plus que tout. Et comme notre grand Simon l’a très bien expliqué à sa classe de maternelle cette année: «J’ai un frère et une sœur. Mais ma sœur n’habite pas avec nous à la maison, elle vit au ciel.»

Alors, au moment où vous lisez ces lignes, je ne vous demande qu’une chose; et c’est de prendre quelques secondes pour penser aux papas et aux mamans qui ont perdu un bébé. Laissons tomber momentanément cette grande mode des «mères à boutte», et pensons à celles qui n’auront jamais le privilège de l’être. Qui n’auront jamais la chance de prendre soin d’un petit trésor. Parce que, même s’ils sont tannants, exigeants, éreintants, il n’en reste pas moins que mes enfants sont brillants, qu’ils débordent de joie de vivre, qu’ils sont sans malice, affectueux, généreux, et qu’ils sont toute ma vie. Et je les aime de tout mon cœur de maman.

À toi pour toujours ma Sydney!

#FièreDeMonAnge #SydneyAmour 💖

* Deux Catherine Perron collaborent à Bloome. L’auteure de ce texte est notre coordonnatrice et rédactrice, et non la styliste Catherine Perron.

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4 Commentaires

  1. Karine Lebrun dit...

    Un très beau livre pour s’en sortir: « Pleurer l’enfant que je n’ai jamais connu » de Kathe Wunnenberg.

  2. ben0173 dit...

    En tant que Papa d’un petit ange , je ne peux que partager le ressenti . 11 ans déjà , 3 frères et sœurs ensuite mais 4 enfants quoi qu’il advienne. Plein de pensées 💕

  3. céline dit...

    j’ai vécu ce drame, et je n’ai pas 3 mais 4 enfants… mon fils a existé et je ne veux pas qu’on l’oublie. C’est le plus dur. et oui, c’est un sujet extrêmement tabou.

  4. Jo dit...

    Merci énormément pour ce témoignage qui decrit parfaitement ce que l’on peut ressentir face au deuil périnatal. Merci beaucoup de mettre des mots sur tout cela et de montrer à quel point cela nous brise et nous fait devenir une nouvelle personne.
    Mon histoire n’est pas la même que la tienne. Jai fait une grossesse extra uterine à 7SA et 7 mois et demi après jai encore beaucoup de mal à men remettre. Ce genre de témoignage m’aide à allet mieux car il me montre que je ne suis pas toute seule. Alors merci beaucoup

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