Une conversation gourmande avec Susan Semenak

La journaliste, auteure et créatrice culinaire Susan Semenak aime tellement l’hiver qu’elle a décidé d’y consacrer un (très, très beau) livre de recettes avec la photographe Cindy Boyce. Où l’on célèbre la géométrie du flocon, les rituels du temps froid, la magie de la saison blanche. Et où la cuisine, chaleureuse et réconfortante, embue les vitres et réchauffe le cœur.

 

Photos Cindy Boyce



Pourquoi le thème de l’hiver?
Parce que, tout comme Cindy, je suis une vraie Montréalaise, ce qui signifie que j’ai passé une grande partie de ma vie en hiver! Montréal est facile à aimer l’été, avec les festivals, les terrasses et le beau temps. Par contre, dès que l’hiver se pointe, on se plaint. Quel dommage! Parce que l’hiver, comme le dit si bien Gilles Vigneault, c’est tellement nous. Et c’est tellement beau. Le ciel si bleu des journées très froides, les escaliers en spirale couverts de neige, le Mont-Royal tout blanc, la poésie des journées tranquilles après une grosse tempête… On a créé ce livre l’année dernière, pendant un hiver extrême – et extrêmement long. C’est comme si on l’avait commandé! Ça a été un travail intense, passé à l’extérieur, à observer le temps, à interviewer du monde, à prendre des photos. Dès le départ, on s’est dit: «OK, on ne se plaint pas, on va chercher la beauté.» Et tu sais, on n’a pas eu à se forcer quand on a pris cette décision. Parce qu’on a changé notre attitude, parce qu’on s’est bien habillées et bien chaussées pour affronter le froid. Chaque jour était vraiment beau. Et j’aime encore plus l’hiver depuis que j’ai fait ce livre.

Qu’est-ce que tu aimes de la cuisine sous zéro?
Cuisiner l’hiver, c’est un processus lent et agréable. On est bien au chaud dans la cuisine pendant qu’il fait froid dehors. On met de la musique, on se verse un verre de vin, on prend notre temps. On cuisine de façon plus recherchée parce que les fruits et légumes, plus rares, doivent être travaillés et parce qu’on a le temps! Il y a aussi les odeurs réconfortantes, qui emplissent la maison. C’est vraiment différent de la cuisine d’été.

Tes produits de saison préférés
J’aime les légumes racines – les carottes, les betteraves, les panais – qui caramélisent et deviennent incroyables lorsqu’on les fait rôtir parce que leur goût est encore plus prononcé. Les agrumes, comme les clémentines, les oranges sanguines, qui sortent l’hiver. Les noix, les graines, qui donnent de la texture aux salades, aux soupes.

Qu’est-ce que tu as appris en concevant les recettes de ce livre?
Un ragoût qui cuit pendant quatre heures ne sera pas nécessairement magnifique en sortant du four. Ce genre de plat est souvent mou, brun, un peu plate. Alors j’ai appris à ajouter en fin de cuisson, pour des jarrets d’agneau, par exemple, une poignée de persil frais, un peu de zeste, du jus de citron ou des graines de grenade. Ça change tout. On veut que notre plat soit tendre et moelleux, mais on veut aussi qu’il soit un peu excitant! Parfois, j’ajoute même de la chair de citron en petits morceaux au moment de servir. Ça apporte une touche de modernité. Et un peu de soleil.

 

Ta cuisine d’hiver est aussi vietnamienne, italienne, haïtienne, indienne…
C’était important pour moi de proposer des recettes qui reflètent comment les Montréalais s’alimentent au quotidien, que ce soit au restaurant ou à la maison. Et puis la cuisine qui nous vient du soleil met de l’éclat, de la couleur dans notre hiver très long. Quand le temps est gris et froid, il faut s’inspirer, se réveiller avec de nouvelles saveurs, de nouveaux ingrédients. Ça stimule nos papilles, et aussi notre imagination! Par exemple, je donne la recette de la soupe Joumou, que les Haïtiens, peu importe où ils sont dans le monde, mangent chaque 1er janvier, et qui est le symbole de la libération de l’esclavage. Elle vient de mon ami Hans Chavanne, le chef-proprio du restaurant Casserole Kréole. Et j’ai aussi une recette de soupe phð vietnamienne, réconfortante et parfumée à l’anis étoilé, qui met normalement des heures à mijoter, mais que j’ai adaptée en version plus rapide.

Quelle est l’origine de ton répertoire de recettes?
Beaucoup proviennent d’une ancienne boîte de carton héritée de ma mère, qui est décédée. Elle renferme la recette de la soupe borscht de ma grand-mère, et celle de la soupe au poulet de mon autre grand-mère. Des amis ont aussi fourni des recettes, que j’ai parfois gardées telles quelles, mais que j’ai aussi, dans certains cas, adaptées. Par exemple, j’aime beaucoup le gâteau aux canneberges et aux clémentines, inspiré par la recette d’une amie qui habite Istanbul. Il est facile à faire et reste bien moelleux, même après quelques jours.

Et puis j’ai reproduit dans ma cuisine des plats goûtés ici et là en me fiant à mes notes – parfois avec de bons résultats, d’autres fois non!

La personne qui t’a le plus appris en cuisine
C’est ma mère. Elle cuisinait très, très bien. Pour elle, le fait que la famille se retrouve autour de la table était très important. On est d’origine ukrainienne, alors on fêtait le Noël canadien, le Noël traditionnel ukrainien, et on continuait avec Pâques. Elle m’a appris à cuisiner pour partager l’amour.

Et aussi…

Tes recettes préférées du livre, une sucrée, une salée
Le gâteau clémentine-canneberge, si beau dans son moule bundt un peu fancy, avec sa glace surette et un peu sucrée. Le ragoût de kale et pois chiches épicés avec du pimenton, parce qu’on a de plus en plus de végétariens à table.

Un plat parfait pour recevoir l’hiver
Quelque chose qui se prépare à l’avance; comme ça, quand les invités arrivent, je suis là pour eux. Les jarrets d’agneau marocains, qui cuisent à four doux cinq, six heures, qu’on peut mettre dans la casserole le matin et qu’on peut oublier.

Ton comfort food
La soupe poulet et nouilles. Et le coffee cake vintage à la cannelle et aux noix, parce qu’on le fait en attendant des amis qui vont passer prendre un café et jaser.

Tes meilleures adresses gourmandes pour faire les courses
J’aime vraiment Milano, dans la Petite Italie. L’épicerie iranienne Akhavan à NDG, qui vaut le détour. Pour les poissons, je vais chez Nouveau Falero sur l’avenue du Parc et La Mer, sur l’avenue Papineau. Mes boulangeries préférées? Automne, sur Christophe-Colomb, Arhoma, dans Hochelaga-Maisonneuve. Et je vais souvent au Supermarché chinois G&D sur Saint-Laurent, un autre monde dans un sous-sol!

Quelques recettes à découvrir

Tartinade à l’orange et à la betterave
Cocktail de bienvenue

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Pour suivre Susan Semenak
Instagram: @ssemenak

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