Questions de style avec Joëlle Paquette
Journaliste et styliste de talent, elle est aussi l’éditrice de Very Joëlle, un blogue à son image: lumineux, authentique, charmant et complètement à l’écart du consumérisme outrancier qui sévit ces jours-ci dans le milieu de la mode. Elle répond à notre questionnaire style et nous parle de son aversion pour la fast fashion, de sa passion pour les créateurs d’ici et de son parfum préféré, qui nous obsède!
Texte Joëlle Paquette Photo d’ouverture Melika Dez
À propos de ton look
Décris ton style en trois mots
Émotif, éclectique, féminin.
As-tu un uniforme?
Oh que oui! Je suis toujours à la course, donc j’ai quelques ensembles «valeur sûre». Celui qui gagne souvent est un jean noir, une blouse blanche paysanne, des bottillons noirs cloutés en suède et une ceinture un peu western. Des couleurs classiques avec des détails qui rendent l’ensemble un peu plus recherché.
Nomme une marque qui te ressemble
Delpozo, c’est féminin, mais hors-norme en même temps, très architectural, presque bizarre par moment, mais avec des détails 100% précieux. Le designer, Josep Font, qui signait malheureusement sa dernière collection pour la maison la saison dernière, est, pour moi, le Cristóbal Balenciaga de notre temps.
Le vêtement ou l’accessoire dont tu ne te séparerais jamais
J’ai récemment récupéré une dizaine de pièces tricotées par ma grand-mère. Certaines datent de plus de trente ans, mais elles ont l’air pratiquement neuves. La qualité est incroyable. Et elles me rappellent ma grand-mère. La valeur sentimentale est indescriptible.
Un label d’ici que tu aimes pour les accessoires
Les chapeaux de Heirloom Hats et les bijoux ultramodernes et non conformistes d’Alexandre Bergeron.
Même question pour le prêt-à-porter
Noémiah, une amie et une créatrice absolument incroyable. Ses vêtements sont féminins, sans jamais être girly girl. J’ai aussi un gros faible pour Eliza Faulkner pour les mêmes raisons.
Le jean parfait est…
Le boyfriend que j’ai depuis plus de cinq ans, qui est imprégné des plis du temps et qui a parfaitement vieilli, en s’ajustant aux formes de mon corps.
Un courant mode que tu ne comprends pas
La mode des ugly sneakers. J’adore les sneakers, mais ces modèles XXL… Désolée, mais je ne m’y fais tout simplement pas! Et perso, je trouve que ça fait un peu fashion victim.
Chaussures: plates, à talons?
Si je prends un Uber, talons! Mais je me déplace presque tout le temps en transport en commun, alors, par souci d’efficacité, j’opte souvent pour des sneakers (mais pas ugly!) ou des bottillons.
Que portes-tu chez toi, quand tu es certaine que tu ne te feras pas photographier?
Je travaille de la maison, donc je passe 90% de mon temps en jeans et en gros chandail de laine, parce que j’ai toujours froid.
Very Joëlle est acheté par Google. Quel est le premier achat que tu fais avec le magot?
Oh wow, très bonne question! J’achète un chalet sur le bord de la mer dans le Maine pour mes parents et mes sœurs. On y va chaque été depuis que je suis née, alors ça serait bien d’avoir une place à nous où l’on pourrait s’évader à longueur d’année.
Dernière folie?
Un billet d’avion pour le Vietnam.
Quand tu ne veux pas dépenser, où magasines-tu?
Dans les friperies, comme Citizen Vintage (Mile-End) et Ex-Voto (Petite Italie). Ce qu’il y a de fabuleux avec les vêtements vintage par rapport aux vêtements neufs d’aujourd’hui, c’est que leur qualité est souvent nettement supérieure. Alors on a un bien meilleur rapport qualité/prix.
Reçois-tu beaucoup de trucs?
Étant donné que la mode locale me tient énormément à cœur et que j’adore la promouvoir, il y a quand même plusieurs créateurs locaux qui m’offrent des vêtements ou des bijoux en échange de visibilité. Et quand j’aime la marque, ça me fait toujours un énorme plaisir d’en parler! Pour ce qui est des produits de beauté, je suis à un doigt de me louer un deuxième appartement juste pour les entreposer. Je blague, mais, pour vrai, j’en aurais besoin!
Si tu ne pouvais utiliser qu’une marque de produits de beauté, ce serait…
Caudalie. J’ai une peau super capricieuse, sensible et qui fait des boutons facilement, et leurs produits sont efficaces et doux à la fois! Et leurs valeurs de compagnie me rejoignent beaucoup.
Le parfum que tu portes en ce moment
Blackpepper de Comme des garçons. C’est un parfum très masculin qui suscite beaucoup de commentaires (toujours positifs!).
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À propos de la slow fashion
La mode durable, ça te concerne? Comment?
Oui, complètement. Je dois avouer avoir été sensibilisée à la mode durable d’abord d’un point de vue humain en allant à la rencontre de designers locaux dans le cadre d’entrevues pour des mandats éditoriaux. J’ai plusieurs pièces signées par des créateurs d’ici et c’est un peu comme s’ils avaient une âme, une valeur beaucoup plus grande qu’un simple vêtement. La mode durable doit d’abord commencer par le désir de ralentir notre consommation, en priorisant la qualité sur la quantité. Quand j’entre dans des magasins comme Zara ou Forever 21, je ne peux m’empêcher d’être étourdie à l’idée des conditions dans lesquelles ces vêtements ont été fabriqués. Et je me demande aussi: «Mais où vont-ils lorsqu’ils sont retirés du plancher?» La mode est la deuxième industrie la plus polluante au monde… On vote avec nos sous et, tant que les gens continueront d’acheter dans les magasins à grande surface qui n’ont aucune considération pour l’environnement ou pour les droits de la personne, rien ne va changer. Il faut arrêter de se mettre la tête dans le sable et consommer selon nos valeurs.
Il faut aussi savoir que «mode locale» n’égale pas nécessairement «mode écologique». La simple production d’un vêtement est polluante en soi, mais au moins, si toute la production a été réalisée dans un rayon de 100 km par des gens qui travaillent dans des conditions de travail sécuritaires, ton empreinte sociale et environnementale est moindre tout en encourageant l’économie locale.
Mon conseil pour consommer de façon plus responsable est de connecter émotionnellement avec nos vêtements. Trouver une pièce unique vintage, porter un manteau qui appartenait à notre mère ou acheter une robe fabriquée par une créatrice qu’on connaît personnellement, ça donne envie de chérir nos vêtements plus longtemps.
Un créateur d’ici que tout le monde gagnerait à connaître
Il y en a tellement: Martel, Markantoine, Noémiah, Eliza Faulkner, Odeyalo, Ora-C, Maram, Maguire… Haha, clairement il y a trop de talents locaux pour n’en choisir qu’un!
Que fais-tu avec les vêtements que tu ne portes plus?
Je les donne à mes sœurs ou à mes amies. Si je ne trouve pas preneur, ça m’arrive de les vendre sur Facebook, sur des groupes de vente de vêtements seconde main. Sinon, je les donne à un organisme.
Le vêtement ou l’accessoire que tu portes depuis vraiment longtemps
Un parka kaki Anthropologie que j’ai acheté à Londres il y a huit ans, quand j’y ai habité pendant trois mois. Je m’ennuyais de ma famille, alors je comblais mon manque émotif avec le shopping. Haha, mais, clairement, c’était un bon achat puisque je le porte toujours!
Une pièce dans laquelle ça vaut vraiment la peine d’investir
Un manteau de laine bien coupé. C’est L’ITEM où ça paraît s’il est bon marché ou de qualité! Comme on passe la moitié de notre année emmitouflés dans un manteau, ça vaut la peine de trouver un modèle statement et intemporel à la fois. J’ai un long manteau caramel en laine feutrée de coupe masculine qui, en plus de s’agencer à toute ma garde-robe et de me garder au chaud, a un je-ne-sais-quoi qui rend tous mes kits d’hiver un peu plus cool.
As-tu un truc pour consommer moins tout en suivant les tendances?
La mode se répète et puise constamment son inspiration dans des décennies passées. Pour moi, les vêtements vintage sont une ressource incroyable. Souvent plus économiques, à moins d’aller chercher des pièces de collection, ils sont une bonne option pour consommer sans augmenter notre empreinte environnementale. Pour les gens qui veulent encourager les designers locaux, mais qui n’ont pas nécessairement un budget illimité, une boutique de location comme Station Service est une avenue super intéressante. On emprunte un vêtement ou un accessoire pour quelques jours, pour une fraction du prix, et on peut ainsi toujours avoir des vêtements différents et éviter d’acheter un morceau qu’on ne portera qu’une fois.
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Varia
Un compte Instagram qui t’inspire
Quand je ne sais pas quoi porter, je regarde le compte de Jeanette Madsen, une styliste danoise avec un look éclectique et peaufiné à la fois! Autrement, j’adore le propos féministe, la pertinence et le visuel du compte Instagram du magazine Darling.
Un compte Instagram qui te divertit
Tout ce qui met en vedette des animaux! Ça me met de bonne humeur à tout coup. @animalsdoingthings, @tunameltsmyhear, @norbertthedog, @juniperfoxx, la liste est longue!
Un conseil mode qui vaut pour tout le monde
Si tu te sens bien, porte-le! Je hais les règles du type «quoi porter selon son âge ou sa silhouette». Tant qu’on respecte notre personnalité, nos goûts et nos valeurs, on ne peut pas faire de «faux pas» selon moi!
Si une personne porte quelque chose qui ne lui va vraiment pas et qu’elle demande ton opinion, que fais-tu?
Je lui demande d’abord et avant tout comment elle se sent dans ledit ensemble. Règle générale, si elle hésite à la base, c’est qu’elle sait déjà que quelque chose cloche. Ça dépend aussi de la situation: si on est à un souper par exemple et qu’il n’y a aucune possibilité de changer d’ensemble, je vais tenter de la rassurer. Par contre, si on est chez elle ou dans une boutique, je vais me permettre d’être plus honnête, mais toujours avec tact.
Ton pet peeve chez les hommes (la question porte sur la mode!)
Les chemises trop serrées et les chaussures carrées avec la couture à l’extérieur.
Lis-tu encore des magazines papier?
Oui! Surtout les magazines de type livres, qui ne sortent que quelques fois par année, imprimés sur du papier épais qui sent bon 🙂 J’adore Kinfolk, Majestic Disorder et The Gentlewoman.
La ville où tu aimes magasiner
J’hésite entre Londres et Tokyo. Les gens s’amusent et expérimentent avec la mode et je trouve ça infiniment inspirant.
Une femme dont le look t’inspire
Une dame comme Iris Apfel m’inspire énormément! Oui, son look est incroyable, mais c’est plutôt sa philosophie mode qui m’inspire. Elle s’amuse, elle ne se prend pas trop au sérieux, elle mélange des pièces de créateurs avec du toc, je trouve qu’elle incarne à merveille ce que la mode devrait être: un terrain de jeu, une expression de soi. Dans le même esprit, du côté des plus jeunes, je dirais Leandra Medine à la tête du e-magazine/blogue Man Repeller. Certains artistes s’expriment à travers la peinture ou la musique, ces deux femmes s’expriment à travers leur style. Elles ont une démarche artistique réfléchie et ça transparaît dans leurs choix vestimentaires.
La prochaine personne qui devrait remplir ce questionnaire
Raphaëlle Bonin. Vanessa Pilon. Catherine Brunet. Audrey Rivet. Sarah Babineau.
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Pour suivre Joëlle
Veryjoelle.com
Instagram: veryjoelle
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