Dix choses à faire à Budapest

Une ville à l’architecture épatante, où l’on trouve des bains délirants, de la culture, à tous les coins de rue, des restaurants pas chers (vraiment pas chers) et des vins tout simplement fantastiques. Avec un peu de chance, on peut même assister à un opéra en plein air. Gratuit.
Texte MJ Desmarais  Photos Vallier April



Budapest est la capitale la plus sous-estimée d’Europe. Et une des plus belles. Sa richesse architecturale témoigne de la puissance de l’empire austro-hongrois, fondé en 1867 par François Joseph 1er. Anthony Bourdain, qui y a tourné un épisode de sa désormais légendaire série Parts Unknown, et qui était (comme c’est bizarre de parler de lui au passé) plutôt avare de compliments, a décrit mieux que je ne pourrais le faire sa première impression de Budapest: «It’s beautiful here. They said that of course, that Budapest is beautiful. But it is in fact almost ludicrously beautiful. A riot of architectural styles. If there was such a thing as building porn, it would be this

Impossible de saisir l’esprit de Budapest sans comprendre son parcours historique en dents de scie, martelé d’une incroyable série de revers. Voici la version accélérée. Allez, ça vaut le coup, Go! Tour à tour envahie par les Celtes, les Romains, les Mongols et les Turcs ottomans parce qu’elle était à l’époque à la croisée des chemins de l’Europe (côté Buda) et de l’Asie (côté Pest), la ville a subi durant plus de 1000 ans de multiples assauts qui ont tous laissé leurs marques. Pendant un bref moment, elle est devenue le phare de l’empire austro-hongrois, un haut lieu de culture, d’influence et d’inimaginable richesse, mais le party n’a pas duré longtemps. À la fin de la Première Guerre mondiale, le visage de la Hongrie – comme celui de l’Europe – a complètement changé. Du jour au lendemain, le pays a perdu les deux tiers de ses habitants et de son territoire. Et puis il y a eu la Seconde Guerre, l’occupation des nazis, suivie par l’occupation des Soviets; cette dernière a duré 44 ans. Seul sursaut: la révolution de 1956. Une dizaine de jours d’ivresse, de révolte. Puis les Russes ont lâché leurs chars et leur artillerie, et les représailles, très dures, ont suivi. Personne n’est venu au secours des Hongrois, et le siège a duré jusqu’à la libération de 1989. Depuis, le pays se relève, mais les défis économiques sont nombreux et une certaine tristesse est toujours palpable – c’est difficile à décrire, mais on sent que le lourd passé pèse toujours sur le moral des gens.

C’est toujours comme ça: le malheur des uns fait le bonheur des autres, et Budapest, une ville magnifique et une des moins chères d’Europe, attire de plus en plus de touristes (il faut y aller vite avant que ça se gâte). C’est pour cette raison aussi que Budapest est devenue une véritable cité du cinéma, où sont réalisées de nombreuses productions internationales, comme Blade Runner 2049. Beaucoup de Québécois qui travaillent en cinéma ont séjourné là bas! Pêle-mêle, voici notre To Do.

 

1

Prendre le vieux métro
Je n’aurais jamais cru que prendre le métro me ravirait (je suis un peu claustrophobe). Surprise avec la ligne du Millénium, un mini métro – le plus vieux d’Europe continentale – qui est composé de quelques charmants wagons d’époque, qui ressemble presque à un jouet et qui est incroyablement facile d’accès: il suffit de descendre quelques marches depuis la rue pour accéder à la rame. Pas de corridor sombre, pas de guichet (c’est à l’extérieur), pas de contrôle, on se fie au système d’honneur. Ce métro ne compte que quelques stations, égrenées tout au long de la main, l’avenue Andrássy. La ligne démarre au square Vörösmarty, près du Danube et du Parlement, traverse de nombreux points d’intérêt, comme l’Opéra, et se termine un peu après le parc urbain (City Park) où l’on retrouve le Jardin botanique et les fabuleux bains de Széchenyi. Vraiment amusant et hyper pratique. Il y a aussi un métro «normal», que je n’ai pas essayé.

2

Faire la tournée des Kávéház
Depuis des lustres, les Kávéház (coffee house) de Budapest attirent artistes, musiciens, écrivains, penseurs, bref l’intelligentsia hongroise. Ajoutez à cela pas mal de touristes selon l’endroit choisi. Parmi les plus réputés, le café Gerbeaud et le café du New York Hotel, magnifiques et plutôt chers, ils attendent le touriste de pied ferme. On s’y arrête un moment pour un lunch léger, ou, mieux encore, pour déguster un café et une pâtisserie comme le fameux Dobos Torte, gâteau éponge multiétages fourré de crème au chocolat, décoré de noix et nappé d’une couche de caramel. Notre coup de cœur? Le Central, lieu mythique qui a ouvert ses portes en 1886. Un grand établissement classique, avec plafond tarabiscoté, boiseries sombres, murs tapissés de miroirs reflétant à l’infini décor et clients, banquettes de cuir, nappes blanches et argenterie bien astiquée. Et, bien sûr, garçons sérieux. On s’assied en terrasse ou du côté café pour savourer une pâtisserie l’après-midi ou on passe du côté restaurant pour un lunch ou un souper simple et élégant. Une expérience qui nous fait voyager dans le temps et sourire en découvrant l’addition: notre lunch arrosé d’un excellent vin nous a coûté 35$ CAN pour deux, service compris!

3

Commander une goulash (entre autres)
Pas le choix, c’est le plat national. Hybride entre le ragoût de bœuf et la soupe de grand-mère, avec légumes racines et beaucoup, beaucoup de très bon paprika. La cuisine traditionnelle hongroise, généreuse, est très portée sur les viandes, la venaison, la charcuterie, les champignons et l’omniprésent foie gras. C’est roboratif, satisfaisant et assez «bouffe de gars» (mon homme était content, Bourdain aussi). Chez Onyx, un des quatre restaurants de la ville à se mériter une étoile Michelin, nous avons pu découvrir une version extrêmement raffinée de cette cuisine traditionnelle, avec un pairage de vins tout simplement exceptionnel. Si la tradition est bien présente, la modernité l’est tout autant – Budapest est une capitale européenne où l’on mange bien, très bien même. La ville regorge de restaurants chics (il y a un Nobu!) et de brasseries élégantes comme le Callas café, juste à côté de l’Opéra, où la terrasse joliment fleurie, les sièges cannés et le service impeccable nous ont donné l’impression de luncher à Paris. Mais ce qui a retenu notre attention, ce sont les petits restaurants de quartier fréquentés par les habitués, où l’on sert une cuisine inventive dans un décor souvent funky, et où le rapport qualité-prix est vraiment épatant. Exemple parfait: le Két Szerecsen, restaurant animé et sans-façon près de notre appartement, rue Nagymezo, où j’ai mangé (deux fois) un des meilleurs risottos de ma vie. Courge, champignons sauvages, fromage local, j’en rêve encore. À essayer aussi: les restaurants-terrasses (Menza notamment) qui longent la verdoyante place Liszt Ferenc, un lieu touristique, mais charmant.

4

Découvrir le vin local
Les vins hongrois ont beau avoir bonne réputation, celle-ci ne s’était pas rendue jusqu’à nous outre-Atlantique (mis à part le tokaji). Surprise, donc, en arrivant à Budapest. 1) Il est presque impossible d’acheter ou de commander des vins d’une autre provenance. 2) C’est tant mieux parce que les vins hongrois sont tout simplement remarquables. 3) Les prix sont ridiculement bas. Les blancs sont fins et nerveux, les rouges légers et délicatement fruités; dommage qu’on en trouve fort peu à la SAQ. Au très beau supermarché à côté de notre appartement, la bouteille de loin la plus chère que nous ayons achetée était un excellent rouge à 8$ CAN (qui détonnait parmi les bouteilles à 3$).

5

Louer un appartement et faire son marché
Lorsqu’on loue une maison ou un appartement en voyage, on réserve la tournée des restaurants à l’heure du lunch, et, en fin de journée, un de nos grands plaisirs est d’aller faire les courses (explorer les allées des supermarchés est un passe-temps dont je ne me lasse pas) pour popoter tranquillement à la maison en prenant un verre de vin. Les épiceries regorgeant de très beaux produits abondent à Budapest, et les denrées sont tellement abordables – 15$ pour tout ça? Ben voyons! – qu’on a toujours l’impression d’une erreur à la caisse. Un lieu incontournable pour traîner son cabas: les Halles Centrales de Budapest, un magnifique édifice érigé en 1887 au bord du Danube. On y trouve de tout et on peut y manger pour trois fois rien une goulash, des choux farcis et autres spécialités. Surtout, c’est l’endroit idéal pour faire provision de paprika doux, piquant, fumé, pour soi et pour distribuer au retour. Le meilleur au monde, rien à voir avec la poussière fadasse qu’on se procure ici. Il y a aussi à l’étage une sorte de bazar où l’on peut acheter vêtements, bibelots et souvenirs. NB.– Le marché est situé juste à côté du pont menant aux bains Gellert. Bonne idée de le traverser à pied et d’aller y faire un tour.

 

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Aller aux bains
Pourquoi, mais pourquoi avons-nous attendu la fin de notre séjour pour aller batifoler aux bains? Je peste rien que d’y penser. Ville de bains par excellence où l’on prend les eaux depuis des siècles – c’est l’héritage des Turcs – Budapest est construite au-dessus de multiples sources géothermiques. Ses eaux chaudes et riches en minéraux sont bénéfiques pour la santé, soulageant notamment l’arthrite, les douleurs articulaires, les tensions musculaires et, paraît-il, la gueule de bois (ça tombe bien, les partys animals, version touriste ou locale, ne sont pas rares par ici). Mais peu importe les petits et gros bobos, on se rend surtout aux bains de Budapest pour le pur plaisir de se détendre dans des décors fous. Deux établissements à visiter absolument: les bains Gellert, côté Buda, un lieu historique tout simplement splendide, et, mon coup de foudre, les bains Széchenyi. Au programme: 18 piscines, 10 saunas/bains de vapeur, d’innombrables salles de massage et de soins spa, tout ça hébergé dans un palais à l’architecture néo baroque sans bon sens. Voici comment ça se passe. Après avoir refusé le forfait «touriste» avec peignoir, tisane et tout le tralala, on fait comme les habitués et on achète le ticket d’entrée cheap à quelques forints donnant accès aux bains et aux saunas pour la journée. À l’intérieur, dans le vestiaire mixte, le personnel habillé de blanc médical (c’est sérieux ici) fournit serviette et clé (moyennant dépôt remboursable), et nous dirige vers des cabines de bois où on se change en toute intimité. On traverse ensuite une série de bains intérieurs de toutes les tailles, certains entourés de plantes tropicales, avant de se retrouver dehors. Nous étions à la fin septembre, le temps était au beau fixe, le ciel parfaitement bleu et on a eu le souffle coupé par ces trois immenses et magnifiques bassins encerclés par un gros gâteau de noces jaune surmonté de crème fouettée – le palais vu de la cour intérieure. Il ne manque que Sissi au balcon. Nous avons passé une demi-journée de bonheur total entre nos chaises longues et la piscine à 38 degrés (celle pour paresseux) où tout le monde sourit en se faisant masser par des jets d’eau – et, bien sûr, en posant pour des selfies. Avoir découvert ça plus tôt, j’y aurais passé toutes mes matinées. Note: pas un chat en peignoir, sauf quelques Américains égarés (there is no smoothie bar?), et tout le monde, peu importe l’âge et la forme, se promène avec assurance dans son bikini ou son tout petit Speedo. Rafraîchissant.

7

Monter prendre un verre au ciel…
S’il fait beau, il ne faut pas rater le bar 360, sur l’avenue Andrássy. Mais avant, on a deux choses à faire. D’abord, fureter au Alexandra Bookstore, juste à côté, qui est vraiment bien. Ensuite, monter au deuxième pour s’offrir une petite pause avec nos trouvailles au Bookcafé, juste pour l’ambiance. Plafonds ouvragés, dorures, banquettes de velours, palmiers, la salle est grandiose et le répertoire classique du pianiste, qui se produit quasiment en tout temps, ajoute encore au charme. On oublie le Venti decaf au lait de soja et on s’offre un café compliqué avec crème fouettée, chocolat, alcool, sirops, bref toute la patente. Le menu est étourdissant. Au moment de sortir du Bookstore, on bifurque tout de suite à gauche. La porte est anonyme, il y a un portier, et souvent on fait la file devant le seul et unique ascenseur qui monte jusqu’au toit. En haut, on débarque sur la terrasse d’un immense bar à ciel ouvert offrant une vue à couper le souffle sur la ville. Avec du chicaboum chicaboum techno en trame sonore, le vent dans les cheveux et un verre à la main, on peut regarder le soleil se coucher sur le Parlement et les lumières de la ville scintiller comme des lucioles (Budapest, vue de nuit, est fabuleuse).

… et prendre un verre dans un Ruin Bar
Le phénomène existe depuis une quinzaine d’années. Une poignée de débrouillards ont décidé de servir de l’alcool (de la bière surtout) sur fond de musique dans des lieux désaffectés meublés avec du bric-à-brac. Le concept perdure, mais les «ruines» sont en fait très organisées. Et si on croit que ces endroits sont réservés aux hipsters, eh bien on y trouve des gens de tous les âges qui ont envie de prendre un verre pas cher dans une atmosphère détendue. Autre option sur le circuit des bars: les soirées jazz, qui coûtent trois fois rien et où les prestations sont étonnamment bonnes.

8

Aller à l’Opéra
Les Hongrois sont fous de musique et prennent leur opéra très au sérieux. Et l’Opéra de Budapest, édifice prérenaissance magnifique de l’avenue Andrássy, est à ne pas rater. Notre séjour coïncidait avec la première de la Traviata, mais les billets s’étaient envolés bien avant notre arrivée. Nous avons donc décidé d’assister à un concours d’opéra à la salle de concert de l’Académie Liszt le même soir, auquel participaient des artistes accomplis des quatre coins de la planète (je ne savais pas que la Mongolie produisait des ténors de ce calibre). En sortant, nous avons réalisé que nous pouvions aussi assister à La Traviata en plein air. Pour la première, les organisateurs avaient installé des écrans géants devant l’Opéra, bloqué l’avenue et disposé 1500 chaises pour combler les opéraphiles qui, comme nous, n’avaient pu mettre la main sur des billets. Si vous avez visité Vienne, vous savez que c’est pratique courante, mais je ne savais pas que ça se faisait à Budapest.

 

9

Voguer sur le Danube
Vous avez peut-être vu les pubs des croisières fluviales vikings, où un bateau sillonne en solo le Danube devant le Parlement, un des édifices les plus spectaculaires d’Europe, le tout commenté par la voix hors champ d’un butler britannique (alors que la compagnie, d’origine scandinave, est basée en Suisse). C’est un peu moins idyllique quand on est là – des dizaines de bateaux sont stationnés à la queue leu-leu juste à côté du site – mais on n’hésite pas à sauter à bord d’une mini-croisière destinée aux touristes. C’est un peu quétaine, oui, mais rien de tel pour comprendre Budapest que de la découvrir depuis le Danube. Et, entendre un brin d’histoire à travers les haut-parleurs, un verre à la main, n’a rien de déplaisant. Au fil de l’eau, on tourne quelques pages d’histoire sans se fatiguer. À faire de jour, mais aussi de soir, pour le coup d’œil sur les rivages illuminés.

10

Passer une journée à Buda
Toutes les activités mentionnées, sauf la visite des bains Gellert, se déroulent à Pest. Nous n’avons passé qu’une journée, très agréable, cela dit, à Buda. «Si tu regardes en bas, tu es à Buda, si tu regardes en haut, tu es à Pest», expliquent les gens du coin. Buda, la plus ancienne partie de la ville, qui a été réunie au XIXe siècle, est en effet construite en hauteur sur les collines de la rive ouest du Danube. Au sommet, un majestueux palais Habsbourg abritant la Galerie nationale, à visiter pour ses sculptures et tableaux allant du Moyen Âge au XXe siècle. On peut y accéder par un funiculaire vieillot offrant une vue spectaculaire pendant l’ascension. En haut, jouxtant le palais, se trouve le village de Buda, où l’architecture largement médiévale, métissée de baroque, contraste grandement avec celle de Pest. Un lieu tranquille et serein, parfait pour passer un après-midi à déambuler, prendre une bouchée, s’arrêter à un Kávéház ou écouter un concert impromptu en plein air assis sur un banc de parc. Un quatuor à cordes de jeunes femmes ultra talentueuses jouant du Mozart sous un gazebo, ça n’a pas son pareil pour enchanter un dimanche après-midi. Et ça résume bien le charme unique de ce coin de pays.

Infos pratiques

Quand y aller Au printemps et à l’automne. Comme partout en Europe, le mois de septembre est particulièrement agréable.

Quand ne pas y aller En plein été, quand débarquent les jeunes fêtards qui s’entassent à douze dans des Airbnb et font la fête jusqu’aux petites heures. Aussi, les mois de juillet et août sont encore plus chauds et humides qu’à Montréal. Éviter également les mois sombres (de novembre à mars), où la ville devient maussade. Il vaut mieux profiter des terrasses et des bains extérieurs.

Où séjourner À Pest, pour avoir un accès rapide à tous les points d’intérêt.

Escapades Vienne est à deux heures de train, Prague à cinq heures. Une bonne idée: arriver à Budapest et repartir de Prague.

Transport aérien Seule Air Transat offre, en saison, des vols directs vers Budapest ET Prague.

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