Carolyne Parent a visité plus de 100 pays. Questionnaire nomade.

La journaliste et globe-trotter ne compte plus les pays qu’elle a visités. Depuis 1995, année où elle a décidé de faire du tourisme son métier, Carolyne fait en moyenne un voyage par mois. Il y a une dizaine d’années, lors de la parution de son livre Ambiance des Caraïbes, son éditrice lui a demandé un décompte. «À l’époque, c’était 104. Je n’ai pas mis ce nombre à jour depuis. Il m’importe peu, en fait!»
Propos recueillis par MJ desmarais  photos CAROLyNE Parent  Photo d’ouverture: Dochula, au Bhoutan

 



L’art de voyager

Pourquoi voyages-tu autant?
Je voyage par curiosité et pour alimenter les nombreux médias qui achètent mes articles et reportages! C’est venu par hasard… Chez Clin d’œil, où je m’occupais des pages beauté, on partait régulièrement en shootings mode à l’étranger et j’écrivais les textes de tourisme en plus de mes reportages. Un jour, j’ai eu envie de ne faire que ça.

Il te reste combien de pays à visiter? As-tu une liste?
Plus je voyage, plus je me rends compte que le monde est vaste et que je n’ai rien encore vu! Un voyage en appelle un autre. Après une croisière en Patagonie en passant par le cap Horn, vers Ushuaïa, j’ai eu envie de l’antipode: l’Arctique! Après le Vietnam, le reste de l’Indochine allait de soi. Je n’ai pas de liste de pays à voir; je suis plutôt mes intérêts du moment. En vrac, je rêve d’Uruguay, de Noël à Saint-Pétersbourg, à moins que ce ne soit à Reykjavik, d’Iran, de Tasmanie, de plongée au large de Belize, de Sardaigne…

Quelle est la première chose que tu fais en arrivant dans un nouvel endroit? Quel est ton état d’esprit à ce moment précis?
Ailleurs, je ne suis pas en vacances; je suis en «mission». J’ai des sujets d’articles à fouiller, des interviews à mener. Il est important de le dire parce que ça conditionne mes séjours. La première chose que je fais dépend du contexte: si je voyage seule, c’est-à-dire lorsqu’il ne s’agit pas d’un voyage de presse où il y a déjà plein d’activités prévues, je fais un tour de ville pour m’y repérer et trouver les quartiers qui m’allument côté design, architecture, shopping, vie nocturne. Et à ce moment-là, c’est l’exaltation… à moins qu’il tombe des cordes! Quand il s’agit d’un voyage de presse, je prolonge souvent le séjour pour approfondir par moi-même certains aspects de la destination.

 

Tu planifies tout avant de partir ou tu es plutôt partisane des heureux hasards?
Quand je pars longtemps, disons, trois mois en Asie, je réserve les deux premières nuitées d’hôtel à destination, et c’est parti pour l’aventure! (J’ai tout de même un squelette d’itinéraire en poche.) Pour les courts séjours, quand il faut que je ramène du matériel pour un topo de 1500 mots et que je ne dispose que de quatre jours (ça arrive!), alors là, mon emploi du temps est bien réglé.

En reportage, on suppose que tu voyages souvent seule… Que fais-tu pour ta sécurité?
Honnêtement, je dois avoir un ange gardien, car je n’ai été victime de vol qu’une fois en toutes ces années. Une paire de sandales, achetées à New Delhi parce que ma valise ne m’avait pas suivie, et que j’avais laissées devant un temple pour le visiter. Puissent-elles avoir fait le bonheur d’une Indienne! Il faut dire que je suis pas mal aguerrie; je connais les trucs des petits escrocs. Mon conseil: écoutez votre petite voix intérieure, elle ne se trompe pas…

Quel avantage t’offre le fait d’être une journaliste? Est-ce que ça donne un but à tes déplacements?
Mon idole, l’aventurière suisse Ella Maillart, l’a dit bien mieux que je ne saurais le faire: «Je sais d’expérience que courir le monde ne sert qu’à tuer le temps. On revient aussi insatisfait qu’on est parti. Il faut faire quelque chose de plus.» Cocher des pays sur une mappemonde, très peu pour moi. Je voyage avec un but: voir, vivre et raconter.

Que fais-tu pour connecter avec des gens qui ne parlent pas les mêmes langues que toi?
Je me débrouille! Pour suivre un cours de confection de kyogashi (pâtisseries qui accompagnent le thé) à Kyoto, j’avais réquisitionné les services d’une employée du ryokan (auberge) où je logeais et qui parlait anglais. Pareil à Vientiane, au Laos, pour interviewer une fermière. Sourire et savoir dire «bonjour» et «merci» dans la langue du pays ouvre aussi énormément de portes.

Pour les restaurants, les endroits à visiter, suis-tu les recommandations d’un guide ou te renseignes-tu sur place?
Un mélange des deux. J’aime beaucoup les guides Lonely Planet, surtout pour l’Asie. En route, je parle aux agents de bord; sur place, à ma femme de chambre, à mon hôte du B&B, au serveur du café, au chauffeur d’autobus, à d’autres touristes, alouette! Et avant de partir, j’aurai aussi fait des «appels à tous» sur Twitter et FB, j’aurai écrit à des journalistes, aux délégations québécoises et canadiennes à destination, et je me serai inscrite à une activité locale juste pour rencontrer des gens qui pourront me parler de leur coin de pays.

 

Initiation rituelle chez les Bassari, au Sénégal

 

Une rencontre inoubliable
Des rencontres, plutôt! Une architecte qui revitalise envers et contre tous le quartier copte du Caire et que j’interviewe chez elle sans quitter de l’œil la tarentule grosse comme un pamplemousse qui semble scotchée sur le mur derrière elle; «Chicago», «né vers 1980» (il n’était pas sûr de sa date de naissance), qui me fait visiter sa ville, Tombouctou; une Japonaise qui m’invite à séjourner chez elle au terme d’une journée passée ensemble à explorer Beppu et qui me fait essayer ses kimonos; un chauffeur de taxi à Flic-en-Flac, à l’île Maurice, qui me conduit à l’aéroport à trois heures du matin et qui me dit: «Merci, madame, de m’avoir fait travailler» alors que je m’inquiétais de l’avoir réveillé si tôt; Gabriela, à Ixtapa, qui m’enseigne les secrets du pozole verde (un ragoût de maïs et de poulet) dans sa cuisine; et tant d’autres…

Un luxe que tu juges essentiel
Oh, rien qu’une chambre avec baignoire de temps à autre!

Ce que tous ces voyages t’ont appris sur toi, sur les humains
Que je suis pleine de ressources et que le monde est foncièrement bon.

TOUR DE TERRE

Un pays méconnu que tu recommandes sans hésiter
Le Bhoutan. Ce royaume m’a fait la plus vive impression en raison du sourire de ses (pauvres) habitants, de la rare harmonie de son paysage bâti, de ses monastères-forteresses imposants, d’une forme de bouddhisme dont la cosmogonie tient presque du conte de fées (par ici, les tigres volants!), de la vitalité de son artisanat, d’un horizon souvent bloqué par l’Himalaya, de son plat national (un ragoût de piment fort au fromage de yak!) et de sa politique anti-tourisme de masse que d’autres pays gagneraient à imiter.

Je recommande aussi l’île de Taïwan à tous ceux qui souhaitent apprivoiser l’Extrême-Orient en douceur. Techniquement, on est en République de Chine, mais on s’y sent un peu comme au Japon, l’occupation nippone y ayant fait d’importants legs comme les infrastructures de transport, la tradition du bain et les sushis.

Les randonneurs adoreront le Sri Lanka, une autre destination sous le radar. J’ai adoré parcourir plantations de thé, rizières et villages à pied!

Un endroit à visiter tout de suite avant qu’il y ait trop de touristes
C’est vrai, il nous faut arriver, nous, touristes, avant les… touristes! Le Laos, absolument, avant que les Français ne convertissent toutes les anciennes villas coloniales en B&B de charme… Aussi, le Nunavik, le Nunavut et l’Arctique, que les paquebots de croisières ont de plus en plus dans leur mire.

 

Itilleq, au Groenland.

 

Un pays, une ville où tu retournes souvent et pourquoi
Un continent plutôt: l’Asie, de la Turquie au Japon; de l’Himalaya à l’Indonésie. Je m’y sens chez moi.

Les gens les plus accueillants, tu les as croisés où?
En Asie, assurément.

Ta ville préférée
Je fais souvent l’exercice de me demander: «Est-ce que je pourrais possiblement vivre ici?» La réponse dépend de plusieurs facteurs: stabilité politique, économique et desserte aérienne; superficie (est-ce une ville à échelle humaine?); qualité de la vie (est-ce que je m’y sens bien?); richesse de la vie culturelle; accès à la mer, à tout le moins à un fleuve… Et il y a toujours un élément qui manque, sauf à Montréal! Cela dit, Sydney (Australie), Buenos Aires (quoiqu’économiquement, c’est les montagnes russes) et Istanbul (pour la stabilité politique, on repassera) s’approchent le plus de mon idéal urbain.

 

Puerto Natales, en Patagonie chilienne.

 

L’endroit où l’on mange le mieux
Bien sûr, on mange divinement bien en France et en Italie, mais les cuisines marocaine, libanaise et portugaise me font saliver.

Un musée à voir absolument
Il y a des musées qui m’ont impressionnée par leur contenu (MAXXI à Rome), d’autres à titre de contenants (Kiasma, à Helsinki, Musée d’art islamique, à Doha). Par contre, un seul à ce jour m’a littéralement renversée: le Masumiyet Müzesi, à Istanbul. Pourquoi? Parce qu’il est inspiré d’une œuvre de fiction, Le Musée de l’innocence, du grand écrivain stambouliote Orhan Pamuk! L’affaire serait trop longue à expliquer ici, mais, si j’ai piqué votre curiosité, vous pourriez lire ceci

La plus belle plage où tu as mis les pieds
Puka Beach, dans l’île de Boracay, aux Philippines.

Un lieu magique
J’étais dans les Maldives en décembre 2017 et dans les Marquises en mai dernier, et c’était pas mal magique dans les deux cas, merci! En Polynésie française, les Marquises sont l’équivalent du last frontier.

Trucs de pro

Ta meilleure arme contre le décalage horaire
Me mettre à l’horaire local dès l’arrivée. Surtout pas de dodo.

Ton truc pour survivre aux attentes dans les aéroports
Travailler!

Une source de renseignements fiable que tu utilises régulièrement
Pour déterminer quel jour voler à meilleur tarif sur une destination donnée, l’appli Hopper est très utile. Idem pour kiwi.com, qui déniche les meilleures options.

Tu fais tes prises de vues avec un téléphone intelligent ou tu transportes de l’équipement photo?
Récemment, j’en ai eu assez de trimballer mon Canon et j’ai plutôt opté pour mon iPhone 8+. Erreur. Grosse erreur. Que je ne referai plus! Quiconque aime faire de la photo ne peut que se sentir limité par l’appareil photo d’un téléphone intelligent.

Hublot ou couloir?
Hublot, toujours. Je veux tout voir!

Tu ne voyages jamais sans…
Le clavier Bluetooth que je connecte à mon iPhone pour écrire mes topos, tout plein de livres numériques et quelques petites douceurs d’ici que j’offrirai en cadeau pour remercier quelqu’un en cours de route.

La première chose que tu fais en revenant à Montréal
Je renoue avec mes racines: je me fais un pâté chinois!

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Pour lire Carolyne
Le Devoir et sur Instagram: @ofmealsandmen

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