Rome, lentement

C’est une ville qui se savoure un moment, un monument, un cacio e pepe ou un spritz à la fois.
Texte MJ Desmarais Photos Maude Chauvin



Je ne sais plus qui a déclaré que Rome était comme Paris, avec des gens qui sourient. C’est tellement vrai et c’est l’effet dolce vita: on est dans le Sud, les gens prennent le temps de vivre, ça fait toute la différence.

À Rome, surtout dans le centro storico, la beauté est partout. Au détour d’une ruelle, le clapotis d’une fontaine ancienne. Sur une terrasse bordée de verdure, des chaises en dentelle de métal. Dans les piazzas construites autour d’innombrables chefs-d’œuvre de marbre, un banc isolé, où l’on peut profiter de la vue, à l’écart des touristes. Et si on lève le nez de temps en temps, il y a toujours quelque chose à voir: un détail architectural, une corde à linge qui claque au vent, des bougainvillées qui dégringolent d’un balcon. Il y a aussi les cours intérieures, qui recèlent souvent de si belles choses et qu’on rate si l’on marche un peu trop rapidement.

 

 

 

Les gens aussi sont beaux, c’est l’évidence. Les femmes, les hommes, les jeunes – et les vieux. Parce qu’ici, il en va des humains comme des pierres: le temps a moins de prise sur la beauté. J’ai le souvenir d’avoir suivi pendant un moment un couple très chic marchant bras dessus, bras dessous, lui impeccable dans son beau complet clair et elle, trottinant en talons hauts sur les pavés en ondulant des hanches dans sa jupe crayon. C’est seulement au moment de les dépasser que nous avons constaté qu’ils étaient au moins octogénaires. Et spectaculaires. Un peu comme dans La Grande Bellezza, où jeunes et vieux jouent avec la même adresse de leur pouvoir de séduction.

La beauté est aussi dans l’assiette, suffit de penser aux carciofi alla giudia, ces artichauts frits qui ressemblent à de grosses fleurs (en fait, ce sont des fleurs), aux pâtes bien faites et présentées sobrement, aux volutes de gelati dans leurs présentoirs. La belle surprise? On peut bien manger sans trop dépenser, à la condition d’éviter les trappes à touristes et de s’en tenir à la cuisine locale. Ce n’est pas le budget qui détermine la qualité du repas, mais plutôt l’intention, le discernement, l’expérience, l’envie du moment. Les ristorante, plus chics, plus chers et plus raffinés, ne servent pas nécessairement de meilleurs plats que les osteria, les trattoria et les pizzeria, qui ont un menu souvent plus restreint et bien maîtrisé. Certains avancent même que la meilleure cuisine est presque toujours servie dans des restaurants moches. À vérifier, mais une chose est certaine: on ne se trompe jamais avec la cuisine de saison, à laquelle les Romains vouent un véritable culte. Chaque chose en son temps: la salade de puntarelle (sorte de chicorée dans une vinaigrette aux anchois), dont les Romains sont fous, est disponible partout pendant les mois d’hiver, mais disparaît des menus en été.

 

 

 

Parce qu’à Rome on fait comme les Romains, on soupe vers 21h et on démarre le rituel de l’aperitivo vers 19h. Dans de nombreux bars, les consommations sont servies avec des grignotis comme de la charcuterie, des fromages, des olives, des petits sandwichs, servis à table ou dans un buffet et très souvent gratuits. Le concept? Nous inciter à prendre notre temps, à commander un autre verre et un autre encore. En fonction de l’endroit, ces snacks peuvent être remarquablement bons. Quelques bonnes adresses, recommandées par Eater, ici.

Anthony Bourdain disait qu’à Rome, une ville qu’il appréciait particulièrement, il valait mieux manger tranquillement un cacio e pepe (le plat culte de la région) qu’aller visiter le Vatican. Anytime! C’est vrai qu’on peut passer beaucoup, beaucoup de temps dans les restaurants. Du temps bien dépensé.

Il y a beaucoup de choses à voir à Rome, et il est impossible de tout visiter en un seul séjour. La meilleure façon d’apprécier la ville à sa juste valeur, c’est lentement. On ne jouera pas au guide touristique – à chacun de faire ses choix – mais il y a tout plein d’endroits qui ne se visitent pas en coup de vent. En voici deux. La Galleria Borghese, ce palazzo baroque au milieu du splendide parc du même nom, où l’on peut passer un avant-midi à tourner, lentement, autour des sublimes sculptures de Bernini auxquelles personne n’est insensible. À quelques pas, dans le même parc, il y a la Galleria Nazionale d’Arte Moderna, où l’on peut aller se replonger dans la modernité (la salle Cy Twombly!!!) puis se diriger vers l’élégante terrasse du Caffè delle Arti, entourée de verdure, où l’on peut luncher avec le chant des oiseaux comme musique de fond. Le mont Palatin, une des sept collines de Rome, flanquée par le Colisée, le Forum et le Circus Maximus, mérite aussi qu’on y consacre une bonne demi-journée. C’est une des parties les plus anciennes de Rome, et c’est là qu’on trouve, au milieu d’un magnifique parc piqué de pins parasols, les ruines des palais des empereurs romains. Dans ce musée à ciel ouvert, qui offre une vue imprenable sur la ville, on a l’impression très nette de faire un voyage dans le temps. Alors pas question de se presser!

Rome se savoure une piazza, une pizza, un musée, une fontaine, un parc à la fois (le pique-nique est une très bonne idée), et le temps passé à la terrasse d’un café ou devant des cacio e pepe parfaites n’est jamais perdu. Si on ne voit pas tout, pas grave. Parce qu’on va revenir. Et tant pis pour le Vatican.

 

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