Une semaine à Copenhague (et un saut à Malmö!)

Le styliste Daniel Raiche, qui aime, dans l’ordre ou le désordre, le design épuré, la bonne table, les fleurs et l’architecture – les belles choses, en fait! –, est allé faire un tour dans la capitale nordique de l’art de vivre. Ses impressions, en mots et en images.
Propos recueillis par MJ Desmarais  Photos Daniel Raiche



J’ai quitté Montréal en mars dernier en croyant aller à la rencontre du printemps hâtif européen, mais j’ai été accueilli par le froid, l’humidité et un ciel uniformément gris. J’avais oublié que le Danemark est un pays encore plus nordique que le nôtre! Cela dit, j’ai vite pu apprécier comment les Danois font face au mauvais temps. Ils ont une façon unique de vivre à l’extérieur toute l’année durant et mettent en pratique le hygge, cet art de vivre basé sur l’appréciation du moment présent, qui se traduit par des atmosphères chaleureuses et des éclairages bien pensés pour pallier le manque de lumière (ils mettent des bougies partout!). Le climat n’est pas toujours clément dans ces latitudes, mais les Danois savent se raccrocher au plaisir de vivre pour se réchauffer le cœur.

J’ai passé une semaine à Copenhague, saut à Malmö inclus. C’est suffisant. La ville, qui est grande mais pas trop, se visite très bien en quelques jours, à pied ou en vélo, un moyen de transport bien adapté, sécuritaire et pas compliqué. Une autre raison pour ne pas y passer plus d’une semaine? Les prix, qui sont élevés. Tout est cher alors on doit constamment poser des choix et consommer de façon stratégique. Nous étions à l’hôtel, et nous devions dépenser 250$ ou même 300$ pour souper dans de bons restaurants, ce qu’on n’a pas envie de faire tous les jours. En louant un appartement, par exemple, on peut sûrement s’en tirer à meilleur compte.

Cela ne m’a pas empêché d’aimer Copenhague, une ville où la beauté est partout, dans l’urbanisme comme dans l’architecture et la nature. Dans la tête des gens aussi: les Danois ont un sens inné de la beauté et tout ce qu’on trouve dans les boutiques, les commerces et les assiettes témoigne d’un sens du raffinement extraordinaire. Nous avons des leçons à tirer de leur façon d’apprécier les belles choses sans ostentation et de consommer moins, mais mieux.

Visite guidée.

Des fleurs pour annoncer le printemps

 

À Copenhague, les commerçants disposent des fleurs, beaucoup de fleurs, un peu partout à l’extérieur des commerces, comme ça, dans la rue. Un peu comme s’ils voulaient inviter le beau temps à s’installer pour de bon. La proximité avec la Hollande, qui fournit la planète en tulipes, jonquilles et autres fleurs à bulbe, y est sûrement pour quelque chose. Pour les passants, c’est une bouffée de fraîcheur et une explosion de couleurs qui met invariablement de bonne humeur.

Un urbanisme exemplaire

 

Ici, la beauté est omniprésente. La ville est très bien conçue, qu’il s’agisse de la configuration des rues, de la cohabitation de l’eau avec le continent, des canaux. De l’architecture aussi, qui mise sur la sobriété, l’élégance mesurée, en accord avec le principe scandinave prônant la modestie plutôt que l’excès. Les Suédois ont un mot intraduisible pour ça, c’est lagom, qu’on utilise pour exprimer la notion du «ni trop ni trop peu». Ça se manifeste dans le design, et aussi dans le comportement des gens.

Le design, partout

 

À Copenhague, c’est difficile de trouver des objets laids dans les magasins, qu’ils soient anciens ou contemporains. Probablement parce que je fais du stylisme d’accessoires pour des photos culinaires, je suis particulièrement touché par la façon dont les designers danois – les plus grands du monde – allient beauté et fonctionnalité. Ici, le rapport avec l’objet est très particulier. Les Danois comprennent depuis longtemps la notion de durabilité et ne sont pas du tout dans l’attitude jetable des Nord-Américains. Ils n’hésitent pas à investir dans de beaux objets qu’ils utiliseront au quotidien: pour eux, une chaise, une table ou un verre sont précieux parce qu’ils répondent à un besoin tout en jouant un rôle esthétique.

La rue de la brocante

 

Le Danemark est reconnu pour ses très grandes et très anciennes maisons de céramique – parmi les plus connues, on compte Royal Copenhagen, mais il y en a tellement d’autres! Les Danois sont collectionneurs, et, comme la céramique est fragile, ils sont toujours à la recherche de pièces de remplacement pour des collections discontinuées. Ce qui explique l’incroyable Ravnsborggade Loppemarked, soit le marché aux puces de la rue Ravnsborggade, dans le très cool quartier de Nørrebro: ici, les brocanteurs se synchronisent pour ouvrir leurs portes et les vendeurs itinérants sont invités à participer. J’ai repéré une carafe Kronjyden, une marque que tout le monde connaît là-bas et qui vaut une petite fortune. Et il n’y a pas que de la céramique: on trouve aussi des meubles, des chaises et des boîtes à biscuits hollandais datant de la Deuxième Guerre mondiale. C’est comme une vente de garage design et chic où tout est beau. En tant que touriste équipé d’une petite valise, ça m’a fait mal. Je me suis demandé ce que je pouvais bien jeter afin de ramener plus de choses! J’ai fini par acheter deux planches à découper que j’utilise constamment dans les shootings de cuisine.

Produits locaux et smørrebrød au marché Torvehallerne

 

 

Dans ce marché urbain qu’il faut absolument visiter – et où l’on peut se réchauffer! –, on trouve plus de 60 kiosques et boutiques où l’on peut acheter du pain, des fromages, des produits locaux typiques de la région et, surtout, une grande variété de poissons frais ou fumés comme du saumon et des harengs à l’huile. On peut aussi y boire et y manger très bien. À commencer par les classiques smørrebrøds. Pas le choix, il faut en parler! Le smørrebrød, c’est tout simplement une tranche de pain (de très bon pain traditionnel au seigle ou aux grains fermentés) garnie de produits de la mer, de viandes froides ou de fromage. Un sandwich ouvert, qui peut être aussi basique qu’une tranche de pain beurrée avec moutarde ou jambon ou qui peut être très élaboré. Contrairement à un sandwich où tout est caché, il est possible de faire une présentation soignée lorsqu’on prépare un smørrebrød. La priorité est donnée à la fraîcheur des ingrédients et au calibrage des saveurs – par exemple, une mayo sucrée, associée à de l’oignon et à un poisson très vinaigré – qui donne une expérience en bouche vraiment intéressante. En plus, ça se mange avec une fourchette et un couteau, alors on prend notre temps pour admirer et puis goûter.

 

Si les Danois apprécient leur cuisine traditionnelle, ils aiment aussi actualiser leurs classiques. Un bel exemple, découvert au marché Torvehallern: la petite chaîne de restaurants Grød («gruau» en danois), qui se spécialise dans les porridges sucrés et salés, comme le congee aux arachides et le gruau au cari, à manger toute la journée et pas seulement le matin! Mon copain étant cœliaque, on a apprécié cette option. Il y a beaucoup d’offres sans gluten – et aussi véganes ou végétariennes – sur le circuit de la restauration à Copenhague.

 

À voir aussi: le bar à spiritueux Noorbo Handelen. Il y a ici tout ce qu’on aime: les belles bouteilles, les fleurs, la chandelle allumée en plein jour, comme partout ailleurs. Tout près, à une dizaine de minutes à pied du marché, sur la rue des antiquaires Ravnsborggade, j’ai fait un détour chez Rødder & Vin, une boutique de vins nature où l’on trouve une incroyable sélection de bonnes cuvées ainsi que des conserves de poisson de haute qualité qui les accompagneront à merveille. J’ai acheté un cidre local produit en biodynamie, que j’ai bu à mon retour à Montréal – j’ai pris un plaisir incroyable à le déguster.

Marché Torvehallern
Grød
Noorbo Handelen
Rødder & Vin

Cuisine du Nouveau Monde en Scandinavie

 

Un autre endroit qui vaut le détour: la taqueria Hija de Sanchez (deux succursales, dont une, saisonnière, au marché), où la jeune chef mexicaine Rosio Sanchez, une ex de chez Noma, sert des tacos délicieux. Il ne faut pas oublier que si Copenhague est réputée pour sa cuisine nordique, c’est aussi une ville cosmopolite qui a un appétit pour les tendances culinaires internationales. Mes trois tacos avec un jus de fleurs d’hibiscus m’ont coûté 30$CA et j’avais encore faim… À la microbrasserie Warpigs brewpub, juste à côté de la succursale du meatpacking, le chef se spécialise dans la cuisine du Sud-Ouest américain. Je suis allé y manger des côtes levées un peu plus tard, arrosées d’une bonne bière locale. Mon excuse: il faisait froid, il pleuvait, j’étais à vélo et je devais me mettre à l’abri!

Hija de Sanchez
Warpigs brewpub

Le café instagrammable

 

 

Il y a des cafés partout à Copenhague et c’est une bonne chose parce que je devais me réchauffer de temps en temps. Je me suis donc posé les pattes chez Atelier September, un café végétarien où il «faut» aller, et où l’on sert une cuisine de saison toute simple, comme cette salade de choux de Bruxelles. Un lieu qui n’est pas moderne et trendy comme on pourrait le croire, mais calme et très serein, un peu comme le Butterblume à Montréal. Pendant que je m’y suis attablé, des instagrammeuses japonaises ont fait leur apparition de temps à autre.

Café Atelier September

Un après-midi au Jardin botanique

 

La quête infinie des Danois pour la verdure et le soleil, ça donne quelque chose comme le Jardin botanique. La serre est un véritable monument, à voir absolument. Elle abrite une véritable jungle où l’on peut aller passer du temps, flâner, s’asseoir, profiter de la nature. L’endroit parfait pour illuminer une journée sombre.

Jardin botanique

La Ny Carlsberg Glyptotek et le musée Louisiana

 

Deux destinations culturelles. La Glyptotek, au centre-ville de Copenhague, est un très beau musée financé par la famille Carlsberg (oui, les gens de la bière), où l’on trouve une fabuleuse collection d’art gréco-romain et une immense rotonde où poussent palmiers et plantes exotiques – décidément, les Danois savent créer des oasis.

Pour se rendre au remarquable musée d’art moderne Louisiana, qui est situé au bord de la mer dans un édifice mid century, il faut faire un trajet de 45 minutes en train, mais pas question de manquer ça. Le jardin de sculptures vaut à lui seul le détour.

Ny Carlsberg Glyptothek
Musée Louisiana

Escapade à Malmö

 

Le pont Øresund relie Copenhague à Malmö, en Suède. On peut le traverser en train et changer de pays en 35 minutes à peine. C’est assez extraordinaire. On arrive en plein centre de la ville et on peut louer des vélos en libre-service.

J’ai rejoint là-bas mon ami Hans, qui travaille à Malmö comme guide et interprète. Quand il a su que je passais une semaine à Copenhague, il m’a proposé de le rejoindre pour aller au Kallbadus (ou sauna). Lorsque je lui ai répondu que ça tombait bien et que j’avais justement mon maillot, il m’a expliqué que c’était formellement interdit au sauna. J’avoue que ça me stressait un peu, mais après 15 minutes, tu ne penses plus à ça parce que la nudité ne revêt aucune dimension sexuelle. Le sauna joue un rôle de cohésion sociale très important en Scandinavie: quand on est nus, il n’y a plus de hiérarchie, tout le monde est sur un pied d’égalité et le maire de Malmö (oui, il fréquente régulièrement l’endroit) parle à l’ouvrier d’égal à égal. Un grand moment d’apprentissage pour moi.

 

Après le sauna, shopping! La boutique AB Småland, par exemple, est le genre d’endroit où on peut – et où on veut – passer la journée. Au rez-de-chaussée, on trouve, en plus d’un café extraordinaire, des articles pour la maison de très grande qualité qui sont aussi tout à fait abordables. Par souci d’esthétique et d’écologie, les brosses et les balais de fibres naturelles et de bois ne contiennent aucune matière synthétique et on peut en remplacer les embouts lorsqu’ils sont usés. La réduction des déchets est une affaire sérieuse en Scandinavie! Dans le même esprit, à l’étage, on trouve des meubles restaurés qu’on peut passer un bon moment à admirer.

 

Un autre bel arrêt: le Malmö Saluhall. Un ancien bâtiment industriel restauré, avec une annexe contemporaine créée en effet miroir. Magnifique. À l’intérieur, on trouve un marché public avec des kiosques et des restaurants, un peu comme le marché Torvehallerne, de l’autre côté du pont. Un must où s’arrêter, découvrir les produits locaux et acheter un souvenir de Suède avant de reprendre le train pour retrouver Copenhague. 

Sauna Ribersborgs Kallbadhus
AB Småland
Malmö Saluhall

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Pour suivre Daniel Raiche
danielraiche.ca
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